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De toute bonté

Le Viel homme et l’enfant de Ninna Pálmadóttir. Un film délicat sur une société islandaise à l’humanité troublée par l’argent

C’est l’histoire de deux solitudes qui se rencontrent et se reconnaissent. De deux innocences dans un monde impitoyable, d’une amitié intergénérationnelle, et, d’« un petit film au grand cœur », comme le dit sa réalisatrice Ninna Pálmadóttir. Présenté à Cannes en 2023 (Sélection ACID), Le Vieil homme et l’enfant est son premier long-métrage, après deux courts, Paperboy (2019) et All Dogs die (2021) remarqués par le cinéaste islandais Rúnar Rúnarsson (Sparrows, 2015) qui lui propose le scénario de ce film. Ninna s’adjoint le talentueux Pétur Thor Benediksson pour la musique : une partition dépouillée, centrée sur le piano. Et Dusan Husár pour la photo.

Ouverture en plans larges sur les somptueux paysages islandais : bruns chauds des champs déserts et miroitement des eaux où s’embourbe la voiture d’un col blanc de la ville venu signifier l’expropriation de Gunnar(Pröstur Leó Gunnarsson).Gunnar est un vieux fermier taiseux, grande carcasse maigre et barbe grise hirsute. Il vit seul dans la ferme familiale, isolée de tout. La création d’un barrage hydro-électrique va la submerger. Scène tragi-burlesque quasi muette suivie par les adieux du vieil homme à sa maison et à son seul ami, un cheval gris. Doté d’un dédommagement substantiel, Gunnar s’installe à la capitale Reykjavik dans un quartier résidentiel où les habitations se touchent, découvre les klaxons agressifs, le supermarché et la pizza surgelée devant la télé. Il rencontre aussi Ari (Hermann Samúelsson), le fils des voisins, livreur de journaux, petit bonhomme de 10 ans, délaissé par des parents divorcés qui en partagent la garde, et qui très vite, le confient à Gunnar. Entre l’enfant solitaire dont l’unique copain a déménagé et le vieil homme qui a tout perdu, se construit à petits gestes, à petits pas, dans un temps qui prend son temps, une vraie amitié… que les autres ne pourront pas comprendre.

Un goût doux-amer

On pense à Aki Kaurismäki, à la fois pour l’humanité des personnages et leur inaptitude à l’inhumanité. Pour les plans épurés qui les cadrent avec soin. Pour l’arrière plan politique aussi qui s’immisce dans l’intimité. La seule famille de Gunnar est un cousin canadien dont les parents ont fui autrefois la misère islandaise. Aujourd’hui l’Islande devenue riche expulse les réfugiés afghans et son dynamisme économique chassant Gunnar de ses terres, fait de lui un réfugié dans son propre pays. Il y a beaucoup de délicatesse dans ce film qui, sans angélisme, avec une douceur teintée parfois d’amertume, fait l’éloge de ce dont on n’ose plus se réclamer : la bonté.

ÉLISE PADOVANI

Le Vieil homme et l’enfant de Ninna Pálmadóttir 
En salles le 3 avril
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