Marseille, juin 2023 : un hélicoptère survole la ville qui s’embrase. Feux de poubelles, tirs de mortiers. Antoine arpente la rue Saint Ferréol pillée. Ce « soulèvement » le ramène des années en arrière lorsque jeune sociologue, il débutait sa carrière dans une ville du 9.3.
Tout avait commencé avec un hold-up. Trois jeunes avaient surgi dans une bijouterie de la Courneuve, raflé la caisse et les bijoux. Une patrouille les avait pris en chasse, sans succès. Furieux, les policiers avaient débarqué aux Boqueteaux par fourgons entiers. Construite dans les années 1950, la « cité de l’avenir » était connue pour posséder l’immeuble le plus long d’Europe. Les habitants en étaient fiers. Ils gardaient « le souvenir d’une cité travailleuse où l’on partait bosser le matin, avec un rythme d’homme qui entraient le soir fatigués mais pleins des bruits de la vie, du chantier de l’usine ». Avec la crise, tout s’était « ratiboisé » : le travail, l’usine, la fierté et la vie.
En envahissant la cité que cherchaient les policiers ? « Les bijoux, la bagarre, l’affrontement, le coupable, l’apaisement, la discussion, des coups, la provocation » ? Certes, les mômes des Boqueteaux ont des choses à dissimuler : des baskets volés, quelques grammes de shit ou « la terreur que l’on ressent devant les flics et qu’on cache derrière les pierres qu’on lance ». Mais de butin, aucun. Pour les « flics » rebrousser chemin, c’est perdre la face. Alors les arrestations tombent, arbitraires. Le lendemain « ce ne sont plus des cailloux qui volent mais des cocktails molotov ». Puis le drame se produit. Un policier poursuit et vise à la poitrine un jeune armé. Il tombe… Mort. Ce dernier était-il prêt à tirer comme l’affirme la police ? Les témoignages s’affrontent. La légitime défense est retenue, le non-lieu proclamé. Samuel Ka, trafiquant de cocaïne n’était pas aimé. Pour autant méritait-il la peine de mort ? s’interrogent les habitants qui se replient dans l’humiliation, la honte et la résignation.
Flics cowboys
« Derrière une émeute, il y a une mèche et quelqu’un qui l’allume» déplore Jean Marc Fontaine. Sous sa plume, les protagonistes se déplacent comme sur un terrain de foot. Jeunes en défense, flics cowboys à l’attaque, éducateurs pris entre deux feux. On y trouve aussi les politiques en campagne, les journalistes plus intéressés par les voitures brûlées que par les associations, le sociologue appelé en renfort et utilisé « comme de la vaseline pour faire glisser le suppositoire », « les professeurs qui ont le savoir et les parents qui n’ont pas les mots ».
Fontaine signe un roman inspiré de faits dont il a été témoin lorsqu’il était engagé au sein d’une association du 9.3. Les émeutes de Marseille ont été le déclencheur pour écrire. « Dans les cités, il n’y a pas la même justice, pas la même école, pas la même santé, pas la même police. Depuis les Minguettes en 1983, cela fait un demi-siècle qu’on ne fait rien ».
Anne-Marie Thomazeau
Trois fois la mort de Samuel Ka de Jean-Marc Fontaine
Éditions Globe
sortie le 2 mai