La pièce de la comédienne et autrice franco palestinienne Lauren Houda Hussein et du metteur en scène israélien Ido Shaked offre un voyage émotionnel et historique profond, séquencé par les grandes chansons de Fairuz, la diva libanaise. Elle égraine les souvenirs d’une famille libanaise et de ses identités morcelées entre Occident et Orient, dressant une cartographie sensible et mettant en scène l’émancipation d’une mémoire piégée par le conflit israélo-palestinien.
L’histoire commence à Beyrouth, lieu du premier tableau composant le triptyque de souvenirs. Alors que la jeune femme doit assister à un concert de Fairuz dans les historiques ruines de Baalbek, celui-ci est subitement annulé en raison de la seconde guerre israélo-libanaise. Ainsi débute la quête de ses origines.
À Beyrouth, de mon cœur
Des baisers aux maisons et à la mer
Au rocher qui ressemble à un vieux marin
Dans les années 1980, Li Beyrouth résonne en boucle, hommage poignant à la ville. Fairuz chante la douleur tout en soulignant la détermination de Beyrouth à surmonter les épreuves. Depuis, la chanson est devenue une sorte d’hymne de résistance et de solidarité pour les Libanais, surtout après le 4 août 2020 – jour où la ville, secouée par une explosion massive, a compté plus de 220 morts, 6 500 blessés, 300 000 sans-abris, entraînant de nouveaux exils et des répercussions socio-économiques profondes.
De Beyrouth à Jérusalem, sur les traces du poète Mahmoud Darwich, l’autrice nous rappelle que Celui qui impose son récit hérite la terre du récit… On croise des amours impossibles, à l’image de celui que le poète partage avec Rita, jeune juive israélienne. Al-Quds, ou Jérusalem en arabe, évoque la résilience des habitants. Le troisième tableau de la pièce nous conduit à Paris ou plutôt sa banlieue, où se croisent les exilés du monde entier, auxquels la pièce rend largement hommage.
O fleur des cités, O Jérusalem !
Nos yeux, vers toi, s’élancent chaque jour
Embrassent les antiques églises
Et essuient la tristesse
Sur les murs des mosquées
Les chansons, un p·matrimoine métasporique
Ces chansons représentent de véritables hymnes « métasporiques ». Le concept, théorisé par l’écrivain québécois d’origine haïtienne Joël Des Rosiers, explore l’idée de la dispersion culturelle et identitaire. La Métaspora se réfère à un espace d’hybridité, où les identités multiples se nourrissent mutuellement. L’art y joue un rôle thérapeutique, et permet une réflexion profonde sur la manière dont les expériences d’exil enrichissent la compréhension des cultures : le pouvoir de l’héritage culturel réside dans la puissance narrative du récit.
Un concept particulièrement d’actualité et pertinent dans le contexte de l’histoire palestinienne.
SAMIA CHABANI
Les trois épisodes Beyrouth, Jérusalem, Paris ont été joués au Théâtre Joliette du 8 au 11 janvier.
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