Tout commence par un objet presque banal : un coffre trouvé dans un grenier. Photographies, lettres jaunies, y reposent. Ces reliques du passé conduisent la narratrice sur les pas d’Edmond, un ancêtre né à Liège en 1834 et mort jeune, à Orléans, en 1865. Qui était-il ?
De lui, ne restent que deux portraits, à la beauté romantique, sur lesquels il pose, costumé. Pourquoi son existence s’est-elle effacée de la mémoire familiale ? Cette enquête historique se double d’un retour sur une autre disparition : celle de l’amour entre la narratrice et son mari Vincent, dont elle découvre l’homosexualité après des années de silence. Le choc n’est pas seulement celui de la trahison ou du désamour, il est celui d’une vie partagée sous le sceau du déni, ce que Lamarche appelle le « maquillage du désastre ».
Le titre Le Bel Obscur dit tout. Il ne s’agit pas seulement d’explorer le rejet, le sentiment d’abandon, le non-dit mais d’y trouver de la beauté sans céder à la rancune, de transformer le secret en matière littéraire et comme l’alchimiste, le plomb en or.
Histoires et mémoire
Au fil des pages, Caroline Lamarche est à la fois actrice et spectatrice du vaudeville qui se déroule. Rien de narcissique ou de complaisant dans la narration de cet effondrement. Là où une Camille Laurens se serait probablement posée en victime et évertuée à le démontrer, Caroline Lamarche nous livre, dans une écriture élégante et dépouillée, un simple déroulé factuel. Elle ne juge pas, ne condamne pas, ne crie pas. Elle décrit avec simplicité les allers et venues des amants dans la maison et comment, de manière contre intuitive, la fin du couple ne veut pas dire ne plus faire famille.
La recherche sur Edmond et la réflexion sur Vincent se rejoignent : deux existences contraintes, deux identités empêchées par le poids des normes et du silence. L’un, figure du XIXe siècle, a été rayé de la mémoire familiale ; l’autre a vécu une partie de sa vie dans le mensonge. La narratrice les relie dans une même interrogation : qu’advient-il des vies qui ne trouvent pas à s’exprimer pleinement ?
Doux et inspiré, ce roman explore aussi un « angle mort de la littérature » écrit l’autrice celui d’une femme en couple avec un homme homosexuel.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Le Bel Obscur, de Caroline Lamarche
Éditions du Seuil - 20 €
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