Qu’est-ce que le vin nature ? Si La Révole Nature ne répond pas précisément à cette question, c’est peut-être parce qu’il n’existe pas de définition légale. Le documentaire esquissera quelques délimitations de cette appellation encore floue pour le grand public : l’absence autant que faire se peut d’intrants, et notamment des redoutés sulfites ; la pratique des vendanges à la main ; une production conforme à l’agriculture biologique ; et plus largement l’amour de la terre, de ses produits et la synergie avec le vivant.
Aline Geller, réalisatrice, est par ailleurs caviste et se consacre avec sa société Rillettes Productions aux films documentaires dédiés à la gastronomie et à l’œnologie. Peu étonnant donc qu’au cours des entretiens qu’elle mène avec les vignerons, ils s’adressent à elle comme à l’une des leurs. Les termes techniques ne sont pas éludés et la confection du vin illustrée dans ses moindres détails, sans taire les difficultés du quotidien : sans l’arsenal phytosanitaire, plus difficile de résister aux aléas saisonniers.
Ce voyage dans le monde du vin nature emmène Aline Geller d’Anjou en Auvergne, du Beaujolais au Jura, au travers d’une véritable galerie de personnages. La réalisatrice ne cache pas sa bienveillance pour leur état d’esprit et il n’est pas question ici de rechercher la polémique sur les vertus supposées du biodynamisme. Mais de faire découvrir cet écosystème paradoxal, entre exploitants prônant la décroissance et bouteilles chères vendues majoritairement à l’export, « stars » du milieu et petits nouveaux arrivés par vocation. Il y a autant de vins naturels que de vignerons !
Ainsi retrouve-t-on, aux hasards du voyage, un producteur diffusant du Mozart pour lutter contre les maladies de ses vignes, une paysanne autoproclamée labourant sa terre avec son cheval – ce qui protègerait mieux sa parcelle des conséquences du réchauffement climatique, ce vigneron vinifiant ses produits dans des amphores à même le coteau ou le très engagé Patrick Desplats, jamais avare de reproches envers les vins « industriels ». Tous ou presque parlent d’une révélation, d’un impossible retour en arrière.
Si le spectateur aimerait tendre le bras pour traverser l’écran et rejoindre la dégustation, le film d’Aline Geller passionnera les amateurs de vin et ouvrira les yeux des autres vers un monde de moins en moins marginal, et malgré sa taille encore modeste, d’une richesse surprenante.
PAUL CANESSA
La Révole Nature, d’Aline Geller
En salle depuis le 10 mai