mercredi 2 octobre 2024
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Elle fait du piano debout

Dans sa robe de petite fille rose, Hiromi Uehara a fait mettre le Grand Théâtre de Provence (GTP) debout

Hiromi Uehara est l’une des rares femmes cheffe d’orchestre de jazz, genre musical encore fortement dominé par les hommes. C’est ce qui lui a donné sans doute le goût du renversement des attentes : avec ses allures de petite fille, elle aborde la musique avec une maturité et une inventivité flamboyantes. Dans la lignée d’Ahmad Jamal qui fut son mentor, pour la sophistication des compositions, mais aussi celle de Chick Corea ou Frank Zappa, elle nous fait partager une aventure musicale décoiffante, aussi originale que fascinante. Elle offrait au public du GTP les morceaux de son dernier opus, Sonicwonderland. Pour la première fois, elle intègre dans la formation qu’elle dirige une trompette, pas n’importe laquelle : il lui fallait « un improvisateur extraordinaire avec un son chaleureux et sombre, qui puisse jouer avec des effets électroniques ». Cette perle rare est Adam O’Farrill, avec lequel elle se livre à des duos jazzy entre mélancolie et sourire, où la trompette laisse le souffle s’incarner. Sur Go Go, le clavier impose un univers funky qui s’appuie sur la basse d’Hadrien Féraud et se livre à des improvisations fulgurantes avec Adam O’Farrill

L’imagination au pouvoir !

Le jeu entre le piano acoustique et les deux claviers électroniques tisse un patchwork coloré qui navigue entre les textures sonores, puissance évocatrice de l’acoustique, sons dilatés et transformés de l’électro : Hiromi jongle entre les trois instruments, joue souvent sur deux claviers différents en même temps, accentuant les contrastes et catapultant les époques. Le jazz fusion affleure avec Trial and Error dans la mouvance de Bitches Brew de Miles Davis. Auparavant, en ouverture, Wanted installait une section rythmique d’une énergique efficacité, puis, Sonicwonderland, inspiré des bourdonnements des vieux jeux informatiques, nous mène du côté du funk et de la fusion avec ses grooves syncopés assurés par la basse et la batterie tenue par Gene Coy aux solos ébouriffants. L’élégance mélodique de la pianiste se love dans Polaris. Fluidité qui se retrouvera dans l’entrée du trompettiste sur Up, ancré sur les accords du piano. La luxuriance instrumentale permet de passer par tous les registres. Pétillante, la pianiste orchestre avec humour les ensembles et les solos, apportant à chacune de ses compositions un air de liberté. Poésie, efficacité rythmique, élans, tout se conjugue dans le toucher délicat de la musicienne qui se lance dans de savoureux échanges avec ses complices. En bis, abandonnant le côté « cartoonesque », elle revient seule au piano acoustique avec des envolées stratosphériques et une exubérance vivifiante, puis, rejointe par ses musiciens, virevolte entre leurs vagues virtuoses, en un entrelacement généreux et brillant. « Le piano est comme un avion, il peut m’emmener n’importe où » dit-elle, et son public avec !

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 10 juillet au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence

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