Il faut embarquer à la Tour Fondue, rejoindre l’île et suivre le chemin de terre jusqu’à la fondation Carmignac. Au milieu des pins et des oliviers, avec la mer à l’horizon, chaque année se tient une ou plusieurs expositions qui font écho à cet endroit magique, au paysage insulaire, maritime, à l’architecture de la villa. Et l’on entre, pieds nus, dans le décor des salles ouvertes sur les jardins, les bassins enchanteurs.
En 2025, avec Vertigo, curatée par Matthieu Poirier, c’est l’abstraction moderne et contemporaine qui invite les visiteurs, qui s’enfoncent dans la lumière et les couleurs grands formats. On découvre d’abord les interventions in situ de la peintre Flora Moscovici sur les murs, et ses irisations floues de vert et de bleu, tel un aquarium déserté. Puis les artistes allemands et américains dominent cette sélection riche en inventions formelles et procédés créateurs.
Surpasser le réel
Le vertige est celui que la perception offre à l’expérience. Ballet de lumières et d’ombres, de ténèbres dans la lightroom d’Otto Piene ; jaune et gris de Gerhard Richter ; noir énigmatique de Hartung ; immense rose de Frank Bowling ; bleu profond de Klein ; piècemystique de la présence-absence en retable du jeune Hugo Schüwer Boss ; verre securit nacré d’Ann Veronica Janssens ; œil d’un cyclone martelé de clous de Günther Uecker…Le cosmos nous emporte dans le geste pictural et musical d’Olivier Beer ou de Fabienne Verdier. Les ondes sonores entrent en résonance avec l’art visuel.

L’art optique réhabilité apprend enfin que regarder un tableau, une œuvre ; c’est toujours changer de point de vue. S’éloigner puis se rapprocher faire un pas de côté, ne pas découvrir la même chose, comme le prouve Olafur Eliasson et ses sphères.
L’abstraction avait, croyait-on, dans l’art d’aujourd’hui, cédé sa place révolutionnaire au retour fracassant de la figuration. L’exposition Vertigo désavoue donc cette idée, témoignant à travers des œuvres de plusieurs décennies de sa place éminente de surpassement du réel représenté, de sa quête dans l’imaginaire de la pureté absolue de la peinture. Toutes les deuxse côtoient, se répondent, se conjuguent.
MARIE DU CREST
Vertigo
Jusqu’au 2 novembre
Fondation Carmignac
Île de Porquerolles, Hyères
Détour par le fort Sainte-Agathe
Outre son exposition accueillie à la Villa, la Fondation Carmignac investit aussi le fort Sainte-Agathe, et sa vue imprenable sur l’île. Elle y présente, comme l’an dernier, une œuvre de Julian Charrière, à découvrir jusqu’au 2 novembre.
L’artiste suisse a choisi de « plonger le visiteur dans les entrailles de la Terre ». Au milieu de la pièce, un imposant bloc d’onyx, et au-dessus un cylindre fendu d’où jaillissent des rayons lumineux. Le public est ensuite invité à s’installer confortablement, et écouter le son de deux volcans qui semblent dialoguer, le Geldingadalir (Islande), et le Erta Ale (Éthiopie).
NICOLAS SANTUCCI
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