Sonia Chiambretto écrit, les mots des autres qu’elle compile, parle, met en espaces et en voix multiples. Le titre de son exposition collective dit tout cela : l’attente d’un printemps et une parole, au féminin, qui fait nombre, à partir d’un « je » réceptacle et autrice.
Des listes, des bribes de témoignages, de mots répétés, s’écoutent au casque, comme un long poème émouvant, révoltant. Au centre de la salle le décor de sa dernière pièce, Oasis Love, créée à Théâtre ouvert (Paris) en 2023 : un toit d’immeuble, en béton terne, qui se prolonge au Panorama de la Friche sur les toits de Marseille et leur ciel. L’espace est rythmé de vides, de vertiges, la cheminée fume, des blocs-notes recueillent les réponses de ceux qui veulent en laisser. « Bruleriez vous une voiture ? Faites le portrait robot du policier idéal… »
« Avec et autour de Sonia Chiambretto » il y a d’autres artistes, qui écrivent dans l’espace, en mots ou en objets, les violences que les policiers perpètrent et perpétuent. Celles d’il y a 20 ans, quand la mort de deux très jeunes ados poursuivis par la police à Clichy-sous-Bois ont déclenché de longues émeutes urbaines ; celles de 2023, après la mort de Nahel Merzouk ; d’autres noms et visages, Adama et Assa Traoré, George Floyd, les Black Panthers, complètent la liste lugubre.
Montrer la manipulation
Et les objets parlent. Les ours en peluche de Samir Laghouati Rashwan, fichés S, faisant contraster la violence et l’enfance, l’étreinte et la mort. Les images d’archives de TF1, montées par Virgil Vernier, qui détachent les commentaires virulents des journalistes et de Nicolas Sarkozy, des témoignages doux collectés en banlieues, commerçants désorientés, jeunes cibles récurrentes de contrôles au faciès, parents des victimes des policiers.
Dans sa pièce sonore réalisée en juillet 2023, au cœur des émeutes, Hannan Jones fait entendre la joie et la mer, en contrepoint, tandis qu’Ouassila Arras expose des antennes paraboliques rouillées, vestiges diffusant pourtant depuis 40 ans les images des télés d’ailleurs. Agata Ingarden sculpte le verre fondu, brûlé, autour de caméras qui filment la poussière, débris d’une Sécurité sociale dévastée, et d’une vidéo surveillance illusoire.
Ensemble, autour du toit, face au ciel de la ville, la voix est nombreuse. Diverse, mais disant comme un chœur polyphonique la violence exercée par l’État, continûment, sur les jeunes hommes racisés des quartiers populaires. Promettant un printemps ?
AGNÈS FRESCHEL
En pratique
L’exposition, proposée par Triangle-Astérides, centre d’art contemporain d’intérêt national, se visite de 14h à 19h du mercredi au dimanche jusqu’au 8 juin. Des visites commentées par Victorine Grataloup et Ramanana Rahary, co-curatrices de l’exposition, sont programmées régulièrement, et peuvent être organisées sur demande pour les groupes. Des visites flash (30 minutes) pour tout public à partir de 6 ans ont lieu tous les samedis à 15 heures. Des rencontres avec Sonia Chiambretto et Fabien Jobard, une performance avec Sarah Netter, des ateliers, des lectures produites par actoral… et divers événements sont prévus, et en cours d’élaboration.
À retrouver sur le site de triangle-asterides.org
La Tour Panorama
Friche la Belle de Mai, Marseille
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