Fascisation, crise climatique… l’art serait-il un remède aux mélancolies contemporaines ? C’est peu ou prou l’hypothèse proposée par Claude Tchamitchian, directeur artistique du désormais incontournable festival marseillais de fin d’été Les Émouvantes. Sans pour autant nommer ces angoisses actuelles, laissant aux publics le soin de le faire, avec toute l’éthique libertaire dont on le sait capable.
Ce maître contrebassiste sera de la partie, dès l’ouverture le 19 septembre, à la tête d’un quartet comprenant, entre autres, la fantasque clarinettiste Catherine Delaunay, le saxophoniste « free » Christophe Monniot et l’émouvant pianiste aux engagements politiques et artistiques sans faille, Bruno Angelini. Avec sur scène, une lumière traitée comme la musique, aux échos circassiens.
Évacuons la question de savoir si les « musiques d’aujourd’hui », comme le revendique le festival, présentées au Palais Carli sont du jazz. Ou pas. Nombre de musicien·n·es à l’affiche sont des habitué·e·s des scènes de jazz. Ainsi en va-t-il du contrebassiste Riccardo Del Fra à l’affiche le lendemain : celui qui fut parmi les derniers accompagnateurs de Chet Baker il y a une quarantaine d’années, ou encore responsable du département jazz au Conservatoire national supérieur de musique jusqu’à il y a peu, sera présent à la tête d’un tentet (dix musiciens) comprenant un pianiste (Carl-Henri Morisset, repéré notamment aux côtés d’Archie Shepp ou Pierrick Pédron, et auteur d’un magnifique album solo sur le label marseillais d’Hélène Dumez, Paradis Improvisé), sept cordes frottées et un saxophoniste, pour un répertoire inspiré de la littérature « fragmentaire » de Christian Bobin.
Fusion
Autre habitué des mondes du jazz, le batteur Simon Goubert, qui se produira le même soir en duo avec sa partenaire Sophia Domanchich (piano), pour un hommage intimiste au cinéma de David Lynch – le répertoire a été créé lors d’un ciné-concert. Depuis ses jeunes années avec Magma, c’est l’un des batteurs… de jazz (!) les plus populaires de l’Hexagone.
Pour finir le samedi, deux projets sont donnés sur la scène du Conservatoire de Marseille. Print, du saxophoniste Sylvain Cathala, qui se réclame autant de Miles Davis et de Thelonious Monk que des expérimentateurs belges qui flirtent avec les musiques africaines. Et Stev’in my mind, porté par le trompettiste Fabrice Martinez, qui détricote malicieusement les standards soul de Stevie Wonder pour en restituer une sorte de substantifique moëlle, en forme d’hommage iconoclaste au génie de l’idole afro-américaine.
Il va de soi que l’ensemble de ces formations sort du cadre éprouvé du schéma – thème, improvisation, thème – et cherche davantage à laisser libre cours aux sensations contrastées générées par des compositions paradoxalement très écrites. Pour l’improvisade en bonne et due forme, c’est au set du duo formé par le violoniste Régis Huby et le percussionniste Michele Rabia qu’il faudra assister dès l’ouverture du festival : un tissage de poésie sonore pour libérer nos imaginaires, trop souvent abîmés par les injonctions contradictoires du capitalocène.
LAURENT DUSSUTOUR
Les Émouvantes
Du 19 au 21 septembre
Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille
festival-emouvantes.fr