Plans fixes d’immeubles en chantier, vides de toute présence humaine à Bruxelles. Des ouvriers prennent leur pause-repas. Parmi eux, Stefan (Stefan Gota), un travailleur roumain s’apprête à prendre ses quatre semaines de vacances. Il va donc vider son frigo et préparer de la soupe avec les légumes qui restent. Une soupe qu’on va le voir distribuer tout au long du film de Bas Devos, Here. Un cadeau pour tous ceux qu’il apprécie : un ami qui travaille de nuit dans un hôtel, des garagistes, roumains comme lui qui lui réparent une voiture pour la route vers Navodari. L’un d’eux, Mihai (Teodor Corban à qui le film est dédié) lui parle de son opération, de l’anesthésie et de ses peurs et de ses larmes. « Ils ont touché ton cœur et ce n’est pas rien ! » commente Stefan, à l’écoute, présent aux autres et à l’instant présent. Lui a reçu un coup de téléphone d’un ami d’enfance qu’il n’a pas vu depuis quelques années. En prison, il lui demande de lui rendre visite. Tous les souvenirs reviennent, les bois, l’été, les lucioles… Avant de partir, il déambule, surtout la nuit – il est insomniaque – et prend des chemins de traverse, dans la ville, ou dans la campagne environnante. Il rend visite à sa sœur, Anca, (Alina Constantin) et lui confie sa vie, monotone : cuisiner est la seule chose qu’il sache faire.
Avec Shuxiu
Une voix off : « Ce matin, je me suis réveillée d’un sommeil très, très profond. » C’est la voix d’une femme d’origine chinoise qui dit être perdue, ne plus savoir le nom des choses. C’est Shuxiu (Liyo Gong), une bryologue qui fait de la recherche botanique sur les mousses. Quand leurs chemins se croisent, dans une forêt entre Bruxelles et Vilvorde, le regard de Stefan va changer et le nôtre aussi. Shuxiu lui apprend à observer ces « micro forêts dans nos mains », qu’on ne voit jamais, qui ont tant de choses à nous apprendre. « Je vois tout le temps des nouvelles choses », précise-t-elle à Stefan, qui s’étonne de la voir prendre des notes dans son carnet.
Des mousses filmées en très gros plans par Grimm Vandekerckhove,superbes, éclatantes de vert, entre ombre et lumière. Des plans qui incitent à s’arrêter, à regarder, à méditer. Une ode à s’attarder et voir les gens que l’on croise. Un film contemplatif qui fait du bien en ces temps agités. « Ce film parle de boîtes de soupe, de graines, de racines et de mousse douce sous nos pieds. Il s’agit donc d’un film sur ce que signifie être humain » explique Bas Devos. Here, son quatrième long métrage, a remporté le Prix du meilleur film de la section « Encounters » de la dernière Berlinale.
ANNIE GAVA
Here, de Bas Devos
En salles le 10 juillet