lundi 1 juillet 2024
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« Fainéant·e·s », la route de la fortune ?

Dans son nouveau long métrage, Karim Dridi suit la vie aventureuse de deux marginales sur la route. Un film souvent inconfortable

Quatre mains menottées. Intérieur d’un fourgon de police, la nuit. Et par la vitre arrière, comme sur un écran, des affrontements avec les CRS et les lueurs rouges des gaz lacrymogènes. Les mains sont celles des deux protagonistes du dixième  long métrage de Karim Dridi, Fainéant.e.s : Nina (Faddo Jullian) et Djoul (.jU.) deux copines inséparables. Chassées de leur squat, elles reprennent la route à bord de leur camion « Cristori Logistique » dont une pancarte affiche le programme « Entre qui veut, Sort qui peut ».

Nous allons suivre leur route, ensemble, puis en séquences alternées quand, au fil des rencontres, leurs routes divergent. Elles piquent de l’essence, fouillent dans les poubelles pour manger, se font embaucher pour la taille des vignes, travaillent à la chaine, ont des aventures et surtout l’envie de faire la « teuf ». Quand Nina, aux cheveux bicolores, piercing au nez et à la lèvre, trouve un mec, qui travaille à la vigne avec elle, Djoul le supporte mal et reprend la route, seule, embarquant au passage un chien abandonné. Qui sont-elles ces deux marginales ? La zonarde Nina et la punk Djoul ? Pourquoi ont-elles opté pour cette voie ? Karim Dridi et sa coscénariste Emma Soisson ont choisi de ne rien dire de leur passé. On sait juste que la famille de Djoul avec qui elle a rompu, vit dans un village puisqu’on la voit aller assister aux obsèques de sa mère ? De Nina, on ne sait rien. On la retrouve à Marseille, sur la Canebière ou se baignant aux Goudes avec un gars rencontré dans un squat sordide où elle a fait une fausse couche.  « C’est ça leur vie, une perpétuelle fuite en avant. Elles avancent sans jamais se retourner. D’où l’importance d’être dans l’instant présent. Bien sûr, on imagine qu’elles ont un passé. Mais je ne prends pas le spectateur par la main. Je n’explique pas. »

Tourné en scope, le format du western et du road movie, avec une mise en scène très posée, une caméra qui filme les corps de ces deux femmes corpulentes, tatouées, peu soignées, inspirées à Karim et Emma par celles qui les incarnent, Fainéant.e.s, n’est pas un film confortable. Il peut déranger avec son atmosphère souvent glauque et les odeurs qu’on imagine. Et la conception de la liberté de ces nomades – pas de murs, pas d’attache(s), résolument individualiste peut sembler, à certains, irresponsable. Il peut plaire à tous ceux qui galèrent dans leur vie actuelle, rêvent de tout laisser et de partir sur les routes, ailleurs. À ceux qui aiment la musique punk et ceux qui retrouvent avec plaisir les chansons de Colette Magny. « Je crois que le film lui ressemble : il est à la fois subversif, empreint d’une profonde tendresse et d’un souffle de liberté. »

On connait l’affection de Karim Dridi pour les marginaux et les couches sociales les moins favorisées. Il a voulu ici  rendre hommage aux « fainéant.e.s ». « Fainéant, c’est ne rien faire. Fainéant, c’est faire le vide. Fainéant, c’est être. Juste être. Et c’est un travail énorme. Être fainéant, ça se mérite, ce n’est pas donné à n’importe qui. Moi par exemple, je n’ai pas la force de ces deux femmes. » Aura-t-il su susciter un peu d’émotion, d’empathie, ce n’est pas si sûr !

ANNIE GAVA

Fainéant.e.s, de Karim Dridi 
En salles le 29 mai

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