En 2019 la réalisatrice argentine Lola Arias anime des ateliers de théâtre et de cinéma dans la prison pour femmes d’Ezeiza à Buenos Aires. De sa rencontre avec six femmes cisgenres et personnes transgenres, elle en a tiré un film REAS sur leurs expériences de détention, et une pièce, Los dias afuera, sur leur vie d’après. Le récit commence depuis la salle de l’Opéra Grand Avignon, devant le rideau tiré. Yoseli Arias, Paulita Asturayme, Carla Canteros, Estafania Hardcastle, Noelia Perez et Ignacio Rodriguez, se livrent sur leur enfance difficile, leurs familles dysfonctionnelles, la case prison, et comptent les jours de liberté retrouvés. Des causes de leur enfermement, on ne saura presque rien. Ce qui importe désormais, c’est la vie à réinventer.
Revivre hors des murs
Après la prison, iels sont donc devenus chauffeur de taxi, serveuse ou travailleuse du sexe. Mais iels doivent encore composer avec leurs souvenirs de détention, la réputation qui les précède, et les changements sociaux amorcés sans elleux. Ce sont les vies de famille à recomposer, les difficultés d’un logement à trouver, illustrés sur le plateau par des objets empilés sur une estrade amovible.
Leur force vient de ce qu’iels ont en partage dans cette prison de Buenos Aires : l’élan de solidarité, le groupe de rock d’Estefania et Nacho ou les films d’horreur visionnés jusqu’à cinq heures du matin dans la cellule de Paulita et Yoseli. Leurs récits ont été adaptés à la scène par souci de véracité documentaire. La structure en métal froid qui sert de décor symbolise autant les barreaux d’une cage, que l’échafaudage d’une existence à reconstruire.
Un spectacle joyeux et musical
Lola Arias imagine une représentation réjouissante, colorée et rythmée, inspirée des codes du music-hall et des airs de cumbia. Les corps ont été maintenus, pendant cinq ans dans des lieux clos. Se les réapproprier rend possible une nouvelle histoire : par les mouvements de voguing de Noelia, la musique d’Ignacio et Estefania. Au volant d’une Volkswagen rouge, les six ancien·nes détenu·es prennent la route direction nulle part. Suivant un schéma parfois convenu, les interludes musicaux et dansés offrent des respirations bienvenues à des récits de vie lourds. A la violence de la rue, la drogue, la prostitution pour la survie et l’intolérance face à la transidentité, répond une énergie qui entraîne le public. Une jolie leçon de résilience.
CONSTANCE STREBELLE
Los dias afuera est donné jusqu’au 10 juillet à l’Opéra Grand Avignon