Zébuline. La première édition du festival a eu lieu en 2015. Pourquoi à ce moment ?
Sarah Saby. À l’ère post mariage pour tous, mettre en lumière la création pluridisciplinaire issue de minorités queer s’est révélé comme une prise de position politique : il s’agissait d’interroger l’intégrationisme homosexuel blanc, de refuser le centre pour fabriquer depuis la marge de nouveaux espaces de création, avec celleux qui l’habitent. Avec l’idée qui si on nous laisse le temps de nous organiser en collectif, d’inventer, d’innover, de proposer des espaces de visibilité alternatifs, ils vaudront autant que ceux qu’il y a au centre !
En quoi est-ce politique ?
S.S. Ces rapports entre marge et centre sont des rapports de pouvoir ! On cherche à s’intégrer lorsqu’on a l’impression que vivre en dehors est impossible mais la marge offre aussi un espace de liberté, et souvent s’intégrer écrase. D’ailleurs je ne l’ai jamais fait, et ne le ferais jamais.
Margot, vous avez intégré le festival en 2021, comme chargée de communication, puis comme bénévole, et formez depuis avec Sarah un tandem ambitieux et efficace. Il semble que cette année tout a été mis en œuvre pour mettre à l’honneur les artistes locales, internationales et marginales.
Margot Dewavrin. Transform ! est désormais en partenariat avec les festivals d’art queer d’Outburst à Belfast et RISCO à Sao Paulo. Les curatrices sont deux femmes lesbiennes qui seront présentes cette année au festival aussi pour rencontrer les artistes et permettre une circulation, une visibilité internationale de leur travail. D’ailleurs Raphaël Khouri, qui performera vendredi 25 est le premier artiste à avoir participé aux trois festivals ! Notre volonté est de permettre à beaucoup d’autres de faire la même chose, de circuler entre les continents, sans frontières.
S.S. On veut faire en sorte d’avoir un impact réel sur les conditions de vie et de travail des artistes queer, racisé·e·s, lesbiennes, invisibilisé·e·s dans le monde de l’art contemporain. Depuis 2023, on a créé un bureau d’accompagnement pour promouvoir les artistes du festival et les aider à faire tourner leurs spectacles, trouver des résidences, du matériel…
M.D. Puis on essaie de répondre aux besoins actuels de la communauté, de donner de la visibilité à celleux qui en manquent le plus, de donner du travail aux personnes qui dans leur pays sont de plus en plus empêchées. Par exemple la scène queer italienne en ce moment avec Bunny Dakota, ou bien les artistes trans racisées, Elie Autin, Chams Barkaoui, Ava Naba entre beaucoup autres.
« Connaissances sorcières multiculturelles »
Deux fils rouges sont définis dans la programmation, l’écoféminisme et la transmission de la mémoire queer.
S.S. Oui, ils se déploient tout au long de la semaine et de multiples façons. Toujours avec la volonté d’allier actualité militante et politique avec les savoirs issus des marges. Le festival s’est construit, cette année, autour de partage de connaissances sorcières multiculturelles, et de leur propagation à travers une série d’ateliers. Ainsi, après avoir « fabriqué son balai de pouvoir » avec Euphrobia Peregrina, on pourra papoter transféminime autour d’une « manucure politique » proposée par Liz Parayzo, puis rejoindre l’atelier « broderole » collective de Jackie Hamilton. On pourra également repartir avec un petit échantillon de « crème pour voler » de aniara rodado, et quelques graines de plantes hallucinogènes à faire pousser sur son balcon, à la suite de « It was Paradise Unfortunatly ».
M.D. Pour en boucler la boucle, le festival s’ouvrira et se clôturera avec Janis Sarawi, par une lecture de son livre co-écrit avec Tal Madesta, Révéler Mes visages, qui reviendra sur son parcours musical et sa tradition de genre, puis elle clôturera cette programmation par un DJ set lors de la soirée-fête du dernier jour. Cette année, un maximum de propositions musicales, entre flûte et rave, passent par tout type d’électro.
Depuis 2015, le festival Transform ne cesse ne se renouveler, et semble apprendre de ses artistes et de son public. Est ce votre ambition ?
S.S. Oui, nous voulons déployer un espace destiné à visibiliser et promouvoir les artistes issus des marges. Sans chercher à les en déloger.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR Némo Turbant
Transform !
Du 19 au 26 octobre
Divers lieux, Marseille
festival-transform.com