« C’est un festival boulimique : plus de soixante événements y sont programmés en moins de trois semaines », s’enthousiasme Vincent Cavaroc, l’inépuisable directeur de la Halle Tropisme. Il promet « un festival bouillonnant, une petite miniature de ce que l’on fait à l’année ». Avec la volonté assumée de mettre en lumière « une bonne dose de création », notamment « à travers des installations numériques qui essaient de réinventer le monde ».
Une grande place est ainsi laissée au collectif 1024 à l’occasion de l’exposition 1024 Playground, laquelle promet d’en mettre plein les yeux et les oreilles dès son vernissage (4 mai à 18h30). Studio créatif et « label artistique », le collectif 1024 est cofondé par Pier Schneider et François Wunschel en 2007. Liés au collectif EXYST, qui avait marqué l’édition 2015 du Festival Tropisme [lire ci-dessous], tous deux se considèrent comme « des architectes de formation et des artistes de déformation ». À travers une quinzaine d’œuvres présentées, dont certaines inédites, le visiteur découvre un univers dans lequel les technologies de pointe rendent visible ce qui ne l’est pas. Des créations réalisées grâce aux logiciels MadMapper et MadLaser, conçus sur mesure pour leur permettre de repousser les limites de la création tout en explorant l’espace dans une immersion sensorielle et lumineuse originale. Chaque œuvre devient une expérience à elle toute seule, comme Playground, un parcours virtuel à appréhender comme un jeu vidéo avec lequel le visiteur peut interagir. Ou Core, une installation numérique destinée à donner corps à une bande-son créée par Laurent Garnier pour l’exposition Electro à la Philharmonie de Paris en 2019. Chaque samedi soir, Core se met en mode nightclub et se transforme en œuvre à danser pour vivre pleinement l’expérience immersive proposée par le collectif.
Un festival de festivals
Côté expérimentation, ne pas rater la cinquième Nuit des ateliers (6 mai) : une journée et une soirée du côté du bâtiment des Ateliers Tropisme qui ouvre grand ses portes au public. L’occasion d’aller à la rencontre de sa centaine de résidents, dont de nombreux artistes, entre expérimentations, performances et DJ set du collectif Discotte, bien connu des noctambules montpelliérains. Car la « Tropisme touch », c’est avant tout le goût du collectif et des expériences communes. Ainsi, le festival s’affiche sans complexe comme « un festival de festivals » selon les mots de Vincent Cavaroc. Il y a tout d’abord une place de choix accordée à deux festivals marseillais venus en voisins : le Delta Festival, qui organise une des huit étapes de sa tournée-tremplin en monde open-air (le 5), et Le Bon Air, rendez-vous électro pointu de la Friche la Belle de Mai, dont le warmup invite le jeune prodige DJ-producteur allemand Palms Trax (le 7).
Également au programme : la première édition du festival de Piñata Radio, webradio montpelliéraine, installée à Tropisme depuis trois ans, qui sait mieux que personne mettre en avant le meilleur de la scène locale à l’antenne. Ses créateurs, Thomas Manzarek et Maxime Ryckwaert, promettent « deux jours de festival, deux scènes, plus de trente artistes dont DJ Lycox et Dylan Dylan » (13 et 14 mai). Le festival Yung Fest apporte quant à lui une touche rap et hip-hop lors de la soirée d’ouverture de son festival (le 12) avec Mehdi Maïzi dans le cadre d’une Mouse Party assurément dansante.
Laboratoire au long cours
À la programmation, on retrouve évidemment les partenaires musicaux de Tropisme à l’année comme le collectif My Life is a week-end, qui invite le déjanté Dabeull (le 19), ou les désormais incontournables soirées drag queen du collectif Folles de rage (le 21). De nouveaux événements sont testés dans le laboratoire au long cours qu’est devenu la Halle Tropisme, dont une intrigante soirée Discopatin·e, entre rollermania et sonorités disco mixées en live (le 20). Sans oublier toute une déclinaison d’événements culinaires du Brésil aux Caraïbes en passant par le Japon, d’ateliers spécial kids (avec du light painting dedans)… Et même l’inauguration d’un Café Caché (le 11). On vous avait prévenu : c’est non-stop pendant trois semaines !
ALICE ROLLAND
Festival Tropisme
Du 4 au 21 mai
Halle Tropisme, Montpellier
tropisme.coop
Tropisme : d’un festival branché à une halle créative
Si le Festival Tropisme apparaît dans les radars des amateurs de musique et de création en 2015, il commence en réalité dès l’année précédente de manière itinérante dans la ville, prenant la succession du festival Montpellier à 100%. L’événement a entre-temps changé de nom, repris par la coopérative Illusion & Macadam, spécialisée dans la structuration et l’accompagnement des acteurs culturels. L’édition 2015, la première dont Vincent Cavaroc est directeur artistique, reste fondatrice : trois semaines de festival programmées presque à la dernière minute et une collaboration mémorable avec le collectif EXYST. Suivent une édition à la Panacée, une autre à Victoire 2. Portée par Illusion & Macadam qui a signé une convention d’occupation précaire avec la ville, la Halle Tropisme ouvre ses portes en janvier 2019 dans les hangars désaffectés de l’ancienne friche militaire de l’EAI. Le nom « Tropisme » s’impose malgré lui, portant les germes de ce qui faisait déjà le festival, entre goût de l’expérimentation artistique et ambiance festive, dans ce nouvel espace de 4.000 m2, entre bureaux professionnels et programmation grand public. Puis le festival se renomme Métropolisme en 2019, décidant d’explorer les territoires urbains. Arrive le confinement et les effets dévastateurs de la crise sanitaire, le festival n’est relancé qu’en 2022. « On a tout réinventé, c’était un mal pour un bien » reconnaît Vincent Cavaroc. Aujourd’hui, le lieu est au sein de la Cité Créative, un nouveau quartier dédié aux industries créatives et culturelles qui ne cesse de s’agrandir. 300 résidents y ont leur bureau à l’année, mais la convention d’occupation se termine en 2030 et déjà des projets de déménagement sont dans les tuyaux, notamment à l’ancien mess des officiers situé tout près, à l’entrée du parc Montcalm. De nouveaux défis en vue pour un lieu qui s’est imposé en quelques années comme un défricheur d’espace et d’idées créatives tous azimuts. L’hyperactif Vincent Cavaroc vient de rajouter à son CV la direction artistique de La Gaîté Lyrique à Paris. Ce qui promet de belles passerelles artistiques en vue. A.R.