jeudi 28 mars 2024
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Flamenco Azul et la Provence dit olé !

En ouvrant sa programmation à d’autres influences, la 5e édition du festival coproduit par le Centre Solea et Arts et Musiques en Provence montre un flamenco actuel plus que jamais irrigué par une diversité d’esthétiques

À peine quatre ans d’existence pour Flamenco Azul et déjà cette impression que le festival a toujours fait partie du paysage culturel non seulement marseillais mais aussi de la région. L’alchimie entre le Centre Solea et Arts et Musiques en Provence fut si immédiate et naturelle, que la manifestation transpire la passion et la détermination de ses deux coproducteurs. Il faut dire aussi qu’à Marseille et au-delà dans le Sud-Est, le flamenco étant une réalité culturelle fortement ancrée, l’arrivée d’un festival enfin ambitieux qui lui est dédié ne pouvait que connaitre le succès voire susciter une attente entre deux éditions. Fidèle à sa ligne populaire, savante et solidaire, Flamenco Azul gravit encore quelques échelons qualitatifs avec cette cinquième cuvée au thème annonciateur d’audace, d’ouverture et de générosité : « Le flamenco invite ». « Au bout de quatre éditions, nous osons nous lancer dans un programme où le flamenco va inviter d’autres musiques et d’autres genres », explique Maria Pérez, directrice du festival et cofondatrice du Centre Solea, rappelant une autre des raisons d’être de l’événement, son engagement en direction des « publics éloignes de la culture ». Au total, une vingtaine de propositions artistiques ou de transmission sont accueillies dans une quinzaine de lieux, pendant près de quatre semaines de festivités itinérantes en Provence-Alpes-Côte d’Azur !

Une ode à la liberté
Un marathon d’éclectisme où musique, chant, et danse, expositions et projections, conférence, stage et scène ouverte satisferont un large public, entre têtes d’affiche, création contemporaine hybride et rendez-vous conviviaux – pour certains gratuits. Parmi ceux-ci, le concert jam, un classique du festival, hébergé par un autre lieu marseillais estampillé flamenco – et surtout pas concurrent – La Mesón (31 mars). La veille, et toujours en entrée libre (sur réservation : reservation@theatredescalanques.com), l’Orchestre national de Cannes, rien que ça, se déplace au Théâtre des Calanques pour interpréter L’amour sorcier, du compositeur emblématique Manuel De Falla (30 mars). Cette « gitanerie musicale » est introduite par une restitution d’atelier de danse menée par Maria Pérez avec des élèves de seconde du lycée de l’Olivier. Place aux poids lourds de la programmation, Antipodas (1er avril, Friche la Belle de Mai), spectacle qui a déjà séduit les scènes de Séville et Nîmes. Les sœurs jumelles chiliennes Florencia Oz et Isidora O’Ryan, l’une danseuse, l’autre violoncelliste, explorent le mythe du double, de la dualité à travers un dialogue intime où s’entremêlent voix, cordes et mouvements. Le lendemain, au même lieux, The Game réunit le danseur et chorégraphe Jesús Carmona, José Valencia au cante et Juan Requena à la guitare. Le trio joue autant qu’il jouit de son art dans ce spectacle conçu comme une ode à la liberté de créer à l’intérieur même du langage flamenco. Deux événements qui confirment la volonté du festival de donner à voir à Marseille des productions flamenco de stature internationale.

Autre temps fort, la venue à la Cité de la Musique, en exclusivité pour le festival, de Pepe Fernández (8 avril). Pour la sortie de son nouvel album, Cautivao, le musicien français que l’Espagne nous envie, a voulu montrer qu’il joue dans la cour des grands et s’entoure sur scène d’artistes transpyrénéens qu’il admire. Et pas des moindres : Rafael de Utrera au chant, Jacobo Sanchez aux percussions, Nene Maya à la basse et Los Mellis aux incontournables palmas et chœurs. On reste en France avec El Cavretico, concert concocté par la compagnie Nine Spirit du saxophoniste, chercheur et directeur de conservatoire Raphaël Imbert (15 avril, Théâtre Toursky). C’est peut-être la proposition qui illustre le plus concrètement l’idée d’un flamenco invitant. Avec son titre qui désigne un chant sépharade en ladino, cette langue judéo-romande dérivée du vieux castillan et de l’hébreu, ce spectacle relie le flamenco aux musiques classiques, jazz et improvisées. Outre Raphaël Imbert, on peut y entendre un autre saxophoniste, Max Atger, la pianiste Amandine Habib, le percussionniste Jean-Luc Di Fraya. Et voir, se délecter de la danse d’Ana Pérez. Celle qui, passée par la compagnie Grenade de Josette Baïz puis devenue chorégraphe à son tour, est en train de montrer, au-delà de sa technique imparable, la finesse et la profondeur de sa créativité. Elle est également présente dans la programmation avec ses deux premiers projets personnels, deux solos dansés dans lesquels explose son talent : Répercussions (16 avril, Espace Comédia, Toulon) et sa dernière création Concerto en 37.5 (14 avril, Espace Robert Hossein, Grans). Qu’elle soit française et marseillaise n’entre pas ici dans le débat, elle est avant tout une grande artiste à découvrir sans plus attendre.

La flamme gitane
L’affiche de Flamenco Azul ne serait pas si fournie sans sa démarche collaborative avec d’autres structures telles que le festival Mus’iterranée [lire en page III]. Deux dates communes sont annoncées : Cuento el Flamenco (5 avril, Maison des Arts, Cabriès) et ¡Venga Ya ! (7 avril, Amphithéâtre La Manufacture, Aix-en-Provence). Dans le premier, le danseur Kuky Santiago, Melchior Campos (chant) et Lenny Creff (guitare) rendent hommage aux légendes qui ont écrites les plus grandes pages du flamenco « traditionnel ». Le second propose un tablao à la mode sévillane mais avec la crème de la jeune scène française autour des danseurs Luca el Luco et Céline Daussan.

Recréer l’ambiance et la qualité des tablaos espagnols, c’est aussi ce qui a bâti la réputation du Centre Solea. Ce dernier remet les couverts en accueillant la danseuse d’exception Karime Amaya (21 et 22 avril), mexicaine et petite nièce du mythe Carmen Amaya. L’occasion d’admirer l’exposition Balade flamenca de Jean-Louis Duzert, considéré comme le photographe majeur du flamenco en France, visible pendant toute la durée du festival.

S’il est difficile de citer tous les événements imaginés par Maria Pérez et son équipe, il y a en a un qui doit être particulièrement souligné, le 20 avril, à Port-de-Bouc. C’est l’hommage, à travers une conférence, un récital et un film, à la communauté gitane de notre région sans qui la flamme du flamenco ne serait peut-être pas aussi vive dans nos territoires. Une histoire, qui comme toutes les histoires de migration, est traversée de souffrance et de dignité. Des mots qui collent si bien au flamenco.

LUDOVIC TOMAS

Flamenco Azul
Jusqu’au 23 avril
Divers lieux
Marseille et Région Sud
festivalflamenco-azul.com
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