Il y a des instants de grâce où l’on se dit que l’on assiste à un moment qui restera dans les mémoires. Ce fut le cas ce dimanche avec les chanteurs de Musicatreize, accompagnés par l’ensemble instrumental UnitedBerlin et dirigés par le chef Roland Hayrabedian. Composés en 1964, les Folk Songs de Luciano Berio pour voix et ensemble de sept musiciens sont devenus un classique du répertoire vocal du XXe siècle. Hayrabedian et ses chanteurs s’en sont subtilement emparés en jouant avec l’espace du Foyer Reyer.
Certaines interprètes évoluent du fond de la salle vers la scène. L’air Rossignolet du bois surgit du haut d’un balcon. Les voix, succession de solos masculins ou féminins, circulent, dialoguent avec la harpe ou l’alto. On apprécie pleinement le choix de Berio de ne pas avoir utilisé le violon dans cette œuvre, privilégiant les tessitures graves de l’alto et du violoncelle. Parmi les moments les plus saisissants, le poignant chant arménien Loosin yelav et Ballo – composition originale de Berio – au lyrisme symphonique captivant. L’œuvre s’achève avec la réjouissante Azerbaijan Love Song qui emporte le public dans une douce allégresse.
Ark, c’est beau
Et puis ce sera Ark, création du compositeur Luca Antignani présent dans la salle et qui, 61 ans après Berio, a imaginé sa propre partition de folks songs. L’œuvre s’ouvre par une adaptation a cappella de Belle qui tient ma vie, une pavane de la Renaissance que le baryton Patrick Balter, comme endiablé, déstructure avec une énergie brute à la limite du slam, offrant un véritable tour de force et vocal et d’acteur.
Le public est ensuite embarqué dans un voyage onirique où la harpe dialogue avec des percussions déclinées sous toutes ses formes. En osmose, les voix des chanteurs s’entrelacent, en solo souvent, rejoints par les chœurs, d’hommes, de femmes ou mixtes. On imagine des épopées en proie aux tempêtes, des marins perdus sur des océans déchaînés. On y entend aussi des chants de Noël angéliques et le tintinnabulement des cloches et carillons. La comptine Amstramgram s’élève soudain, déclamée par les sopranes dans un tourbillon lyrique. On perçoit ici, une influence italienne, là ukrainienne ou encore tsigane… On n’a qu’un seul regret, ne pas être mieux accompagné dans ce voyage par un livret de salle détaillant les airs et leurs traductions. Mais gageons que nous entendrons à nouveau cette pièce vouée à devenir, elle aussi, un classique du genre.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Le concert s’est déroulé le 19 octobre à l’Opéra de Marseille
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