Il ne se passe pas grand chose de spectaculaire dans le premier long métrage d’India Donaldson. C’est pourtant un film qui laisse trace dans la mémoire et sur la rétine. Sam (Lily Collias) a 17 ans, sur le point d’intégrer la fac. Elle a une petite amie et même si elle préférerait rester ce weekend-là avec elle et son groupe de copains, elle accepte de faire une randonnée avec son père Chris (James Le Gros). Il est séparé de sa mère. Elle est une bonne fille, « conditionnée » à faire plaisir, une « good one » et elle aime ce quinqua un peu égoïste qui « n’a pas su rendre sa femme heureuse ».
Tensions silencieuses
À l’équipée, se joint le vieux pote de Chris, Matt, (Danny McCarthy) lui aussi divorcé et dont le fils Dylan refuse de venir. Le trek se fera en trio. Et la réalisatrice suivra ses personnages tout au long de leur marche dans le somptueux décor des Catskills, photographié en lumière naturelle par Wilson Cameron. Un scénario ténu où l’événement se résume à une phrase inconvenante adressée à Sam par Matt, où les caractères s’esquissent par touches successives à travers gestes, postures, rapport à la nourriture ou contenu d’un sac à dos. Où la dramaturgie se joue sur les tensions silencieuses mais conduit bien à une modification des rapports de force. Face à deux hommes dont l’amitié vacille, qui parlent de leur vie conjugale ratée, lui laissent « tout naturellement » les tâches genrées de la cuisine et de la vaisselle, Sam semble plus mature. Et son silence, ses expressions traduisent une prise de conscience du gouffre qui la sépare d’eux. Sam à qui son père refusait la conduite de la voiture pour le trajet aller, va prendre les clés sur celui du retour.
Un film féministe, dit la jeune réalisatrice « convaincue que tout ce qui parle des nuances et des spécificités d’une expérience vécue par une fille est intrinsèquement féministe ». Servi par l’interprétation remarquable de Lily Collias, Good one prend le parti pris de la délicatesse et de la subtilité. On se tient en équilibre fragile comme les nombreux cairns laissés par d’autres randonneurs, et que la caméra saisit en plan d’ensemble ou de très près pour s’arrêter sur le battement d’aile d’un papillon posé sur une pierre.
ÉLISE PADOVANI
Good one, d’India Donaldson
En salles le 13 novembre