Greenhouse de Lee Solhui nous est présenté comme un thriller. Et de fait, le mécanisme du suspense sous-tend le film de bout en bout. Mais, comme souvent dans le cinéma coréen, le thriller s’hybride, devient drame social et se noircit d’ironie tragique. Moon-Jung, l’héroïne de Greenhouse se trouve piégée non seulement par un engrenage fatal mais aussi par le malheur ordinaire des prolétaires, un passé traumatique et la folie qu’elle côtoie dans une société qui ne va pas bien.
Moon-Jung est aide-soignante à domicile. Elle prodigue ses soins à un vieux couple de bourgeois intellectuels, Tae-Kang et Hwa-ok, dont le fils a fait sa vie ailleurs. Lui, doux, courtois, gentil, est désormais aveugle. Elle, hostile, agressive, paranoïaque, souffre d’un Alzheimer avancé. Moon-Jung s’acquitte de sa tâche avec une douceur, et une bienveillance sans faille. Elle s’occupe aussi avec abnégation de sa propre mère, atteinte de sénilité, et qui, sans argent, est placée dans un hôpital-mouroir. Mais comment ne pas profiter de l’occasion qui lui est donnée de rééquilibrer l’injustice ? Pour l’heure, la méritante Moon-Jung économise pour louer un appartement où elle accueillera son fils à sa sortie de prison. Elle vit seule dans une ancienne serre aménagée, recouverte d’une bâche noire, au milieu d’un terrain vague. Cette « greenhouse », devenue une « black house », loin d’un lieu lumineux et chaud où la vie s’épanouit, est le sombre refuge dans lequel la jeune femme se gifle et se punit d’on ne sait quoi.
Pas plus qu’on ne connaît le motif de l’incarcération de son fils. La folie rôde autour de Moon-Jung et couve en elle. Trop pauvre pour se payer les services d’un psy, elle s’inscrit à un cercle thérapeutique de paroles, destiné à « soulever le bloc de pierre qui pèse sur le cœur ». Elle y rencontre Soon-nam, plus seule, plus « victime » qu’elle, si on en croit ses récits. Mais qui et que croire ? Le monde se dérobe. Cette incertitude, Lee Solhui, qui signe le scénario de son film, choisit de la maintenir jusqu’à la fin. Le spectateur, la poitrine quelque peu oppressée, aura le choix d’imaginer un après. Quelque chose peut-il être sauvé après un crime ? Le feu purifie-t-il ou ne fait-il que brûler et détruire ? Le phénix renaît-il de ses cendres ou demeure-t-il poussière ?
Dans le rôle principal, l’impressionnante Kim Seo-hyung joue avec une grande maîtrise toute la complexité de son personnage. Elle a obtenu pour cette interprétation, un Grand Bell Award (équivalent des Césars en Corée). Premier long métrage de la réalisatrice de 29 ans, formée à la Korean Academy of Film Arts, Greenhouse témoigne de la qualité du cinéma au Pays du Matin calme. On en redemande.
ÉLISE PADOVANI
Greenhouse, de Lee Solhui
En salles le 29 mai