mercredi 2 octobre 2024
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Hybridations et impermanences

Balkis Moutashar a repris De tête en cape créée aux Hivernales (CDCN d’Avignon) en 2019 au Pavillon Noir aixois

Une grenouille apparaît dans l’espace scénique blanc, toute verte dans ses coassements et ses bonds, attitudes empruntées directement au monde naturel… elle est rejointe par un ours pataud, les deux êtres (Sonia Darbois et Maxime Guillon-Roi-Sans-Sac) vont d’abord ne pas supporter l’autre sur le plateau, préférant chacun l’intégrité de sa solitude. Peu à peu cependant les frontières qui les séparent vont se dissoudre, l’un empruntant une partie de l’autre, s’hybridant de ses gestes et de ses attitudes. Le simple plaisir enfantin du déguisement devient alors source de nouvelles histoires, permet de transgresser les codes de la représentation entre croassements et grognements, danses incongrues, courses où super-héros avec cape et princesse se croisent, donnent lieu à la naissance de « princesse-man », tandis que le côté animalier se développe en « ours-grenouille » ou « grenouille-ours ». La singularité des uns et des autres met en doute les normes dans une atmosphère joyeuse. Les apparences d’origine sont remises en question : les êtres peuvent se choisir, s’affirmer dans les associations multiples qu’ils ont la capacité de décliner à l’infini : le super-héros aura des pattes d’ours, la princesse une tête de grenouille… bref, peu importe, le public enfantin est fasciné, et les adultes malgré le sérieux qu’ils s’imposent sont séduits. L’étrangeté dans le reconnaissable, l’impermanence des compositions affirment une liberté d’être et de créer vivifiante dans les lumières changeantes qui habillent le plateau d’atmosphères jaunes, bleues, rouges… paysages mentaux où naissent les contes. 

La conclusion endiablée orchestre une ronde effrénée autour d’une sorte de totem dans lequel s’entassent les variations des costumes, lieu de tous les possibles, et objet central du jeu… À la fin du spectacle, un temps de conversation est accordé aux jeunes spectateurs qui s’extasient sur la rapidité des changements de costumes, proposent leurs propres créations de mots pour désigner les divers personnages nés de l’imagination des artistes. Ces derniers se plient avec gentillesse aux demandes, effectuent des démonstrations de transformation. La magie ne se perd pas malgré les explications rationnelles et le bonheur de tous en est décuplé.

MARYVONNE COLOMBANI

Spectacle dansé le 24 mai, Pavillon Noir, Aix-en-Provence 
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