Se faire transporter dans le froid Québec en juillet, en plein cœur de Marseille, c’est un tour de force. Assis sur les chaises, le tapis, ou les barrières en bois du square Bertie Albrecht, les spectateurs venus voir La force de la gravité sont captivés par Michelle Cajolet-Couture, qui campe chacun des membres de sa famille en musique, mime, danse.
Le patriarche est malade. Il n’a que six mois à vivre, et, doucement, s’en est accommodé. Lui qui pensait vivre 200 ans est coupé dans son élan. Pour garder intacte sa dignité, il est prêt à mourir dès le lendemain, d’une mort paradoxalement artificielle et naturelle, comme le raconte si bien sa fille. Où la fatalité du choix du père s’associe à celle du soleil qui se lève et de la maladie qui progresse.
Comment raconter l’histoire de quelqu’un qui n’est plus là ? Comment expliquer ce qui se passe dans la tête de ce quelqu’un extérieur à nous, et qui nous est pourtant si intimement proche ? Alors qu’on pousse son fauteuil sur la colline où il a décidé de mourir, le paterneladmire à voix haute la forêt de sapins qui l’entoure, avec ses enfants. Il est serein.
Pathétique et fantastique se rejoignent dans ce spectacle où la comédienne, s’attardant sur les détails du quotidien, chante la vie habitant toujours le souvenir de son père, parle du manteau divin qu’il revêtit dans ses dernières heures, touchant l’assemblée d’une flèche en plein cœur.
Un « nouveau mythe » actuel, vulnérable, honnête, où se brouille la limite entre suicide et parricide, et où le deuil est un trou dans l’humain.
GABRIELLE SAUVIAT
À venir
1er août au Jardin Benedetti, Marseille, dans le cadre de la programmation d’Avant le soir !
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