jeudi 5 décembre 2024
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« Istiqlal », les fantômes du passé de Tamara Al Saadi

Comment se construire quand on ne connaît pas son histoire et qu’on nous la cache ? C’est un des sujets brûlants évoqués dans le puissant Itsiqlal

De grands pans de tissus translucides tombent des cintres sur le plateau, le sol est couvert alternativement de terre brute et de parquet, symbolisant déjà un univers disparate. Des personnages surgissent et foulent le sol. Femmes et hommes. Des écritures en arabe se forment sur les tissus, une voix les dit en même temps… Julien (Arthur Oudot), correspondant de guerre en Irak, rencontre Leïla (magnifique Mayya Sanbar) d’origine irakienne. Il lui parle alors de ce pays qu’elle ne connaît pas, dont elle ignore la langue, car sa mère s’est toujours tue sur son passé. C’est tout le propos de Tamara Al Saadi qui s’est elle aussi interrogée sur ses racines, a questionné les femmes de sa famille, s’est confrontée au choc des vécus de ces femmes obligatoirement soumises à leurs époux et violées par les occupants. Leïla ressent confusément leurs souffrances dans son corps et s’invente une fille qu’elle n’aura jamais.

Passé colonial et présent

Les fantômes de cinq générations précédentes assistent au cheminement de Leïla et le commentent comme un chœur antique, apportant une dimension onirique accompagnée de danses superbement chorégraphiées par Sonia Al Khadir, qui soulignent divers épisodes de ces vies douloureuses : le viol par un soldat anglais de la mère de Leïla, la fille battue car elle veut apprendre à lire, les nattes de la grand-mère coupées le jour de son mariage. Tamara Al Saadi met en évidence les problèmes des couples mixtes confrontés aux traditions et à la modernité, mais aussi aux propos et aux comportements des autres. Leïla parvient à obtenir quelques souvenirs de sa mère, superbe Lula Hugot qui exécute pour elle une danse orientale en chantant. Puis elle apprend l’arabe pour faire des traductions tandis que Julien analyse le rôle des photos qu’il rapporte. À qui ouvrent-elles les yeux ?

CHRIS BOURGUE

Spectacle donné du 26 au 29 novembre au Théâtre Joliette
À venir 
Le Théâtre Joliette poursuit son compagnonnage avec l’excellente Tamara Al Saadi cette semaine. La metteuse en scène y présente Mer ces 4 et 5 décembre, une pièce qui propose de revisiter le rapport mère-fille avec humour, danse et tragédie. C’est Tamara Al Saadi, donc c’est à voir. 

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