Découvrir de jeunes réalisateurs et des films qui ne seront pas forcement au box office est sans doute un des intérêts des festivals de cinéma. C’était le cas ce 24 novembre avec Josefina, le premier long métrage de Javier Marco. Un projet né dans le cadre de l’ECAM (Programme d’aide au développement de films de l’école de cinéma de la communauté de Madrid).
Après A la Cara, court récompensé d’un Goya en 2021, qui confrontait une femme à son harceleur internaute, servi par l’interprétation d’excellents acteurs (Sonia Almarcha et Manolo Solo), de même Josefina met en scène la tension (certes de tout autre nature) entre un homme et une femme, incarnés avec brio par Emma Suarès et Roberto Álamo.
Juan est surveillant dans un établissement pénitentiaire madrilène. Il vit seul dans l’appartement hérité de ses parents, auquel il n’a rien touché. Pas d’amis, un voisin un peu fou qui reste chez lui et dont il promène le chien. Une vieille voiture qui tombe en panne. Un quotidien gris. De la prison de ses routines à la routine de la prison. Berta, elle, est couturière, travaille chez elle où elle s’occupe d’un mari paralysé, grabataire, en fin de vie. Toutes les semaines, elle rend visite à son fils incarcéré dans la prison où travaille Juan. Une existence tout aussi grise, engluée dans un drame.
« Tout ce qui peut être imaginé est réel »
Dans les fictions les parallèles se croisent, ces deux-là vont donc se rencontrer. Par hasard, dans le bus qui mène à la prison. Ils vont se reconnaître dans leurs détresses solitaires. Se chercher. S’étreindre. S’aimer. Se perdre, et se retrouver peut-être. Il y aura de petites choses : un aspirateur qui se bloque, un numéro de portable récupéré, un essayage de costume, un peu de jazz. Des gestes, des regards, des omissions et des mensonges d’amour. Tout se tissera dans le silence. La photo signée Santiago Racaj éteint les couleurs ; les gris bleus et les bruns semblent chuchoter. Less is more…
La profondeur psychologique ne se percevra qu’aux frémissements de surface et c’est le spectateur qui la reconstruira à sa guise. Tout comme il complètera le récit, résolument ouvert et lacunaire. On ne saura rien des motifs de la condamnation du fils, des causes de l’état du père, du passé de Juan, de cette Josefina imaginée mais… réelle. Car comme l’écrit Picasso dont la citation est reprise sur l’emballage des sucres que Juan et son expansif collègue mettent dans leurs cafés : « Tout ce qui peut être imaginé est réel ». Petite subtilité d’écriture comme il y en a beaucoup dans le scénario signé Belén Sánchez-Arévalo.JavierMarco offre avec Josefina un premier film parfaitement maîtrisé.
ÉLISE PADOVANI
Josefina de Javier Marco a été projeté le 24 novembre, dans le cadre du festival CineHorizontes au cinéma Le Prado, Marseille Ce film a reçu le Prix du jury