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Je suis une « pue-la-pisse »

Non, je ne vais pas vous parler de mes odeurs corporelles que je pense peu nauséabondes. 

PLP est un sigle qui désigne les « pue-la-pisse », employé par les gendarmes qui ont protégé la méga-bassine de Sainte-Soline. C’est à dire en l’occurrence les militants écolos, mais aussi les gilets jaunes, les manifestants contre la réforme des retraites, bref ce qu’on nommait autrefois la populace, aujourd’hui la racaille. 

Déshumaniser le peuple – les sans-dents ou les sans Rolex, selon où l’on place le curseur de la pauvreté – est un des stades ultimes avant le massacre de masse. Un prélude indispensable à  l’« extermination des nuisibles ». Les rats, disaient les Nazis pour désigner les juifs et des tziganes, les cafards, disaient les Hutus de leurs compatriotes Tutsies, les « restes de l’épée » disaient les Turcs des Arméniens échappés au génocide de 1915. « Nous combattons des animaux humains » a déclaré Yoav Gallant, ministre israélien de la défense, condamné en 2024 pour crimes de guerre et crime contre l’humanité. 

Kiffer la mort

Les actes commis à Sainte-Soline n’ont rien de génocidaire, mais les vidéos dévoilées par Libération et Médiapart nous font entendre des propos inacceptables. Les gendarmes parlent de leur plaisir à « shooter » les PLP, à leur « défoncer la tête », à tirer sur leurs enfants, à atteindre directement les corps avec les capsules des lacrymogènes. À faire des dégâts dans les chairs de leurs concitoyens. Ils regrettent de ne pas pouvoir tirer à balle réelle, visent des manifestants pacifiques qui se replient. Leurs officiers ordonnent d’effectuer des tirs tendus, interdits, ils s’exécutent avec excitation, éprouvant « le plus gros kif de [leur] vie ». C’est qu’ils tirent sur des manifestants qui défendent l’intérêt du vivant contre l’agroalimentaire, des pue-la-pisse.

Il est des étapes qui nous éloignent dangereusement de l’État de droit. Quand Trump se vote une amnistie pour lui-même, gracie les émeutiers meurtriers du Capitole (5 morts, dont 1 policier), destitue les juges qui les ont condamnés, il met à mal la démocratie américaine. Mais quand nos forces de l’ordre violentent le peuple qu’ils sont censés protéger, le danger est tout aussi grand. L’uniforme est aujourd’hui, à nouveau, ressenti comme une menace. 

Car la mémoire d’une police qui tirait à balle létale sur des Français n’est pas si loin. 1974 pour les Martiniquais, 1967 pour les Guadeloupéens, 17 octobre 1961 sur le Pont de Neuilly, en jusqu’en 1962, régulièrement, en Algérie Française. En métropole, les juifs, les résistants, les gaullistes, les communistes ont été arrêtés, torturés, exécutés par la police française aux ordres de la Gestapo. C’est cette mémoire qui a limité, en mai 68, le recours policier à la violence, et interdit l’usage des armes létales contre des manifestants, fussent-ils agressifs, et l’usage de la force sans sommation et sans légitime défense. 

Or on ne compte plus aujourd’hui les abus des « forces de l’ordre » qui dérogent aux ordres, tuant Zineb Redouane à son balcon, Mohamed Bendris sur son scooter, jetant à terre des manifestantes isolées, faisant des descentes musclées dans les bars LGBT, contrôlant, insultant, humiliant au faciès, régulièrement, et impunément.

Maintien de la domination

Les habitants des quartiers populaires sont les premiers à réclamer la présence accrue d’une police qui les protège. Les femmes et les enfants victimes de violences, les otages, les harcelés, les affaiblis, ont besoin d’une protection d’État, afin que la loi du plus fort ne soit pas le droit. Réclamer davantage de sécurité, sinon d’ordre, est dans l’intérêt du peuple.

Mais parmi les victimes anciennes des violences policières, parmi leurs descendant·es, certain·es ont conservé la peur latente d’un uniforme qui ne maintient pas l’ordre, mais la domination. Ces PLP connaissent le cœur qui s’emballe quand iels tendent leurs papiers, la sueur qui goûte quand des rangs de militaires patrouillent, le malaise quand les programmes politiques réclament « plus de bleu partout », la colère quand ils affichent un « soutien inconditionnel à la police ». Rien, justement, ne devrait être moins inconditionnel que de confier sa vie à un tiers armé. 

AGNÈS FRESCHEL


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