Reconnu comme un compositeur, concertiste et chambriste d’exception, Jérôme Ducros n’en est pas à son premier dialogue avec l’œuvre de Schubert. En 2001 déjà, il explorait les Fantaisies du compositeur dans un enregistrement salué, avant de poursuivre son exploration en compagnie des frères Capuçon ou de Philippe Jaroussky. Pour ce retour en soliste, c’est aux ultimes chefs-d’œuvre du maître viennois qu’il s’attaque, promettant une fusion entre une technique irréprochable et une interprétation empreinte de finesse et d’émotion. Une promesse magistralement tenue.
Le récital s’ouvre sur une énigme : celles des trois Klavierstücke D.946, moins jouées que les Impromptus qui suivront, dont elles sont pourtant considérées comme des extensions. Poignantes, introspectives, mystérieuses et inattendues dans leur développement comme dans leurs explorations harmoniques. Le goût du contraste, du sforzando inattendu, de l’éclaircie subreptice rappelle la part mozartienne de Schubert, son pendant Sturm und Drang. Mais on entend également, par-delà la fausse simplicité de partitions particulièrement exigeantes et délicates, une poésie et une mélancolie singulières et émouvantes.
Plus familiers et plus enlevés, les Impromptus D.899 qui suivent convoquent un romantisme plus lyrique et théâtral. L’effusion ne s’y fait cependant jamais insincère. Du premier impromptu, martial, presque funèbre, où les triolets constants et les basses sourdes marquent l’inexorable avancée du temps, à la dernière pièce de l’opus, volubile, sensible et dansante, portée par sa cascade d’accords arpégés, c’est un monde d’une rare richesse que Jérôme Ducros dévoile à un public fasciné. Y compris, chose rare dans Schubert, un pendant flamboyant proche de Liszt, dont l’arrangement de la Litanei donnée en bis confirmera la douce présence.
SUZANNE CANESSA
Concert donné le 26 janvier au Grand foyer de l’Opéra de Marseille.
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