Maxime Jean Baptiste appartient à la diaspora guyanaise en France. Pour son premier long-métrage, c’est dans sa vie et la relation qu’il entretient avec son pays d’origine qu’il puise son inspiration. Un de ses cousins de Cayenne, Lucas Diomar été poignardé suite à un différend entre jeunes, et a succombé à ses blessures. Cet homicide est au centre de Kouté Vwa, à la fois comme un drame familial personnel, comme le symptôme de la violence endémique d’un territoire colonisé marqué par l’esclavage, et comme le ferment d’un combat collectif.
Pour approcher cette complexité, le réalisateur mêle intimement archives et fiction, documentaire et imaginaire, présent et passé articulant son récit autour de trois personnages. Melrick, un ado de 13 ans, venu passer ses vacances en Guyane chez Nicole, sa grand-mère. Nicole qui, quoique marquée à jamais par la mort de son fils Lucas, oncle de Melrik, sait qu’il faut aller de l’avant. Et enfin Yannick, le meilleur ami du jeune homme assassiné, qui a fui Cayenne après le drame et ne parvient pas à faire son deuil.
Parfaitement intégré à un groupe de copains de la Cité – qui lui demandent comment c’est la France, sans considérer que la Guyane est toujours un département français, Melrik aimerait rester là pour de bon. Il joue au foot, fait du vélo, s’initie au tambour. Alors qu’un concert commémoratif s’organise pour les dix ans de la disparition de son oncle, il découvre qu’il est aussi doué que lui pour le tambour. Il cherche à mieux le connaître en questionnant Nicole et Yannick. Lucas c’était qui ? Un excellent tambouién, un garçon au grand cœur, un gars toujours élégant, qui s’énervait vite… Son visage s’affiche partout, sur les T-shirts des manifestants de la Marche blanche, sur les peintures murales, les photos, dans les mémoires de ses amis et des siens. C’est avec ce passé et ce présent que Melrik doit se construire.
Intime et universel
Le titre du film l’indique bien il s’agit d’écouter les voix. Pour l’adolescent, ce sont celles qui l’appellent à la musique (une vraie vocation) et celles plus lointaines qui, par cette musique, le rattachent à sa culture originelle. Dans un parcours initiatique le jeune garçon reconstitue l’histoire familiale et pressent celle de tout un peuple. La voix de sa grand-mère lui apprend la toxicité de la vengeance et l’importance du pardon dans une séquence très forte où elle lui raconte sa confrontation avec l’assassin de son fils, récemment libéré.
Pour nous, il s’agit d’écouter cette histoire intime et universelle, venue d’un territoire d’Outre mer bien peu représenté dans le cinéma national, et de sentir charnellement la pulsation des percussions du Mayouri Tchô Nèg Band.
Primé à Locarno dans la Section Cinéastes du présent, avec ses dialogues naturels et ses maladresses, sa douceur en ferme réponse à la noirceur du monde, Kouté vwa est un premier film émouvant et prometteur.
ELISE PADOVANI
Kouté Vwa de Maxime Jean-Baptiste
En salle, le 16 juillet