Des oiseaux, noirs, dans un ciel où s’élèvent des fumées blanchâtres. Des plastiques de couleur s’envolant au gré du vent. Des hommes, des femmes, occupés à collecter et trier des déchets que déversent des camions colorés, véritable ballet sur cette colline, une décharge à ciel ouvert près de Bichkek, capitale du Kirghizistan. Des parasols, bleus, sous lesquels on s’assoit parfois pour boire un coup, un reste de vodka dans une bouteille, trouvée là. Une pause dans le travail infernal des damnés de la terre, tel Alexandre, échoué là il y a seize ans, un vétéran de la guerre de Tchétchénie. « La première fois que j’ai tué lors de la bataille de Grozny, j’ai pleuré. Les deuxième et troisième fois je m’y suis habitué. La quatrième fois j’y ai pris du plaisir. Nous empalions des femmes et des enfants et roulions sur l’ennemi avec nos chars J’étais juste une machine à tuer. Je suis un monstre qui a dépassé toutes les limites » confie-t-il à Denis Gheerbrant et Lina Tsrimova qui, ayant découvert, cette colline d’ordures ont voulu témoigner.
Respect et dignité
Un vrai voyage au bout de l’enfer, au plus près des gens qui y vivent, en vivent et survivent à peine. Il y a le gitan, Bandoulai, le plus vieux arrivé là dans les années 1990 que tout le monde aide. Tadjikhan, une femme née en 1959 qui a eu huit enfants et en a perdu cinq et que plus rien n’intéresse depuis ces drames. Avec son mari, ils travaillaient dans un kolkhoze jusqu’à l’effondrement de l’URSS. Obligée de travailler à la déchetterie depuis que son mari a eu un AVC. Et tous ces anonymes que les deux cinéastes, en immersion, ont filmés avec respect et dignité, comme prisonniers d’un temps suspendu, témoins de la violence d’État, restent longtemps dans nos têtes, échos douloureux de la situation en Ukraine aujourd’hui.
ANNIE GAVA
La Colline de Denis Gheerbrant et Lina Tsrimova
En salle le 12 avril