mercredi 2 octobre 2024
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« La Libye est une terre de conteurs »

À 33 ans, l’écrivain libyen Mohammed al-Naas est l’un des plus jeunes lauréats du prestigieux prix international de la fiction arabe pour son premier roman, Le pain sur la table de l'oncle Milad. Invité pour la première fois en France par Le Bruit du monde, la maison d’édition marseillaise qui a traduit le livre, nous l’avons rencontré

Zébuline. Comment votre goût pour la littérature est-il né ?
Mohammed al-Naas. Je ne suis pas né dans une famille de lecteurs. Petit, je lisais ce qui m’était imposé à l’école. Je suis arrivé tard à la lecture personnelle, vers 18 ans, et par hasard. Mais la Lybie est une terre de conteurs. Et si les récits ne sont pas forcément écrits, nous baignons dans une littérature orale très riche. Ensuite, j’ai pu avoir accès à beaucoup de livres sur le web. Au moment de la révolution, nous n’avions plus d’internet mais j’avais une amie à l’université dont le père avait une bibliothèque extraordinaire. J’y ai découvert Khalil Gibran et le magnifique roman de l’auteur soudanais Tayeb Salih : une saison de la migration vers le nord. Je me suis dit : « je veux écrire comme lui ». Avant d’écrire Le pain sur la table de l’oncle Milad, j’ai édité deux recueils de nouvelles et fait plusieurs essais de romans qui n’ont pas été publiés.

Votre livre interroge les relations de domination, les stéréotypes de genre, quel accueil a-t-il reçu en Lybie ?
La Lybie est un pays où l’expression des sentiments est excessive en positif comme en négatif. Lorsque j’ai eu le prix, la joie et l’engouement ont été incroyables car j’étais le premier libyen à obtenir cette distinction. Dans un second temps, j’ai été victime d’une campagne de dénigrement extrêmement violente sur les réseaux sociaux qui m’a obligé à quitter le pays pendant plusieurs semaines. En revanche il a été remarquablement accueilli à l’étranger et auprès des Libyens expatriés.

Existe-t-il une communauté d’écrivains en Libye ?
Il existe des maisons d’édition mais elles sont très proches de l’État. Elles éditent des écrivains « convenables ». Mais émerge toute une jeune génération aujourd’hui qui s’émancipe et parvient à se faire publier à l’étranger. C’est le seul moyen de se faire connaître. Mais globalement, tout ce qui touche à la culture et au livre en particulier souffre beaucoup en Libye… et plus que sous la période Kadhafi.

Vous représentez un modèle pour eux ?
Je refuse de me considérer comme un modèle. J’essaie de l’être pour moi [sourires], pour mon fils, et cela s’arrête-là.

Pourra-t-on lire bientôt votre second roman en français ?
Je l’espère. C’est un roman court et humoristique qui se passe dans un petit village de Lybie où deux camps politiques s’affrontent. Il s’agit d’une métaphore théâtrale sur la période de la guerre civile.

ENTRETIEN REALISÉ PAR ANNE-MARIE THOMAZEAU

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