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La Marche des « beurs », une histoire très contemporaine

2023 marque les 40 ans de la Marche pour l’égalité et contre le racisme. À cette occasion, de nombreux événements reviennent sur ce mouvement, comme le 16 octobre au Variétés, et la projection-débat du film Les marcheurs, chroniques des années beurs, organisée par Ancrages. Entretien avec Samia Chabani, sa directrice

Zébuline. En quoi est-ce important pour l’association Ancrages, qui valorise l’histoire des migrations, de revenir sur cette Marche ? 

Samia Chabani. Il faut d’abord évoquer l’invisibilité de cet événement comme étant un acte fondateur de la prise de parole dans l’espace public de cette génération « beur » – un terme qui, à l’époque, n’était pas péjoratif. En 1981, on bascule dans une présidence de gauche, avec un énorme espoir de renouveau de la vie associative… il y a un souffle de liberté qui laisse supposer que l’on va être dans une nouvelle séquence historique. Mais entre 1981 et 1983, c’est un retour à la réalité brutale, avec des crimes racistes qui se succèdent mais aussi le début de la crise des quartiers populaires avec le recul du droit commun, la baisse des moyens des services publics et de la vie associative dans ces territoires. 

Que nous raconte le film de cette époque ? 

Le film que l’on projette est très important sur l’histoire de la Marche, puisqu’il donne la parole aux acteurs et aux témoins. Je l’ai choisi non pas pour que cette marche soit un « ressassement d’une histoire » pour un groupe de personnes, mais bien pour comprendre les mécanismes des mouvements sociaux et de la spontanéité de cette initiative.

40 ans après, la situation n’a pas beaucoup évolué…

Je dirai surtout qu’elle s’est aggravée. À l’époque de l’assassinat de Malik Oussekine [battu à mort par la police en 1986, ndlr], il y avait une réponse judiciaire. Alors qu’aujourd’hui, en particulier à Marseille, on voit que le meurtre de Zineb Redouane [décédée suite au jet d’une grenade lacrymogène par les forces de l’ordre à son domicile, ndlr] n’est pas suivi d’une réponse judiciaire que l’on serait en droit d’attendre. Il faut interpréter ces affaires non pas comme des faits divers, mais comme des répliques. On est une génération qui a encore l’espoir que la violence policière et le racisme dans la police soient pris en compte. Le père Christian Delorme, qui a été un des leaders de la marche, évoquait en comparaison le traitement de l’alcoolisme dans la police qui a donné lieu a des résistances folles. Concernant le racisme c’est le même process, il y a un déni absolu. Pire encore, on est dans une forme d’impunité qui altère le rapport avec les jeunes – mais pas seulement. Et si la figure du jeune de banlieue a pu cristalliser à un moment donné les violences policières, aujourd’hui c’est toute la population française qui peut en être victime.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Les marcheurs, chroniques des années beurs 
De Samia Chala, Thierry Leclère et Naïma Yahi.
16 octobre à 20 h
Cinéma Les Variétés, Marseille
À voir également
13 octobre à 19 h : Soirée-débat « 50 ans de lutte de l’immigration et des quartiers populaires » au cinéma l’Alhambra (Marseille)
Du 15 octobre au 14 janvier : Là où il y a eu oppression, il y a eu résistance, exposition conçue par le collectif Mémoires en marche au Musée d’Histoire de Marseille
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