« Les femmes, sur la scène d’opéra, chantent, immuablement, leur éternelle défaite. Jamais l’émotion n’est aussi poignante qu’au moment où la voix s’élève pour mourir. Regardez-les ces héroïnes. Elles battent des ailes avec la voix, les voici à terre, mortes. »Peu d’œuvres lyriques échappent à l’écueil pointé par Catherine Clément dans son ouvrage L’Opéra ou la défaite des femmes. Floria Tosca aurait pourtant pu s’en distinguer : la diva, campée avec corps et cœur par la puissante Ewa Vesin, venue remplacer Keri Alkema au pied levé, ne manque ni de droiture, ni de caractère. Pour sauver son Mario aux beaux aigus – impeccable Riccardo Massi – des griffes du baron corrompu Scarpia – formidable Daniel Miroslaw – elle lutte, inlassablement. Lorsqu’un « marché » lui est proposé, celui de vendre ses faveurs à un Scarpia égrillard, elle fait mine de s’y soumettre, pour finalement reprendre le dessus.
Cri de rage
Son Vissi d’arte qui précède est autant un chant de désolation et de terreur qu’un cri de rage. Quand le célébrissime E lucevan le stelle,entonné par Mario avant son exécution, se révèle déjà résigné et nostalgique. Le choix de la lenteur effectué par Valerio Galli, à la tête d’un orchestre en très grande forme, confère d’ailleurs au morceau de bravoure un caractère sépulcral. La mise en scène de Silvia Paoli, coproduite avec les opéras de Nancy, Rennes et Angers, s’approprie avec intelligence la noirceur de la partition de Puccini. Le propos, condamnant la corruption et l’abus de pouvoir, s’enrichit d’une condamnation des faux dévots modernes. La charge antireligieuse, pourtant subtile, récoltera d’ailleurs quelques huées. Ce qui n’empêche pas cette Tosca, dans sa dépiction d’un régime autoritaire et corrompu,de résonner tristement avec l’actualité italienne.
SUZANNE CANESSA
Tosca a été joué les 7, 9 et 11 octobre à l’Opéra de Toulon.