De sa formation et de son début de carrière marqués par le hip-hop, le chorégraphe Fouad Boussouf a conservé le goût du collectif, de la circularité et de la juxtaposition. Peu de choses distinguent Näss, créé à Avignon en 2019,du plus tardif Fêu sur le strict plan de la forme, si ce n’est que chaque pièce se concentre sur un ensemble masculin ou féminin. Vue pour la première fois en octobre dernier à la Biennale de Lyon 2023, l’exclusivement féminine Fêu s’approprie ces mêmes pas, entre hip-hop et danses traditionnelles, les mêmes tableaux d’ensemble et le même goût de l’échappée. Une dislocation similaire s’y opère également entre la danse de troupe, sorte de transe concertée quasiment à l’unisson, et les solos s’érigeant comme des promesses de singularité et d’individualité, mais confinant toujours davantage à la performance, face à laquelle ne peuvent s’opposer que des regards passifs. Les sept danseurs ne manquent ni d’énergie, ni de précision : mais la complicité semble leur manquer. Est-ce à dire que l’absence de mixité conduit bien souvent, et peut-être malgré elle, à un refus du contact et du frottement ? C’est pourtant à la fraternité que ces pas sautillants se faisant parfois pas de course appellent. Pensé en hommage au groupe de musique Nass El Ghiwane et à la culture gnawa, ainsi qu’au Maroc, pays natal de Fouad Boussouf – « näss » signifiant en arabe « les gens » – se rêve contestataire, émancipateur et utopiste. Il se révèlera gentiment fédérateur.
SUZANNE CANESSA
Näss a été joué les 8 et 9 décembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence