C’est un joli mot « orpailleur ». Et l’or brille depuis toujours dans nos imaginaires. Les mines d’Afrique de l’Ouest nous ramènent à une réalité moins aimable, à la poussière de la terre aride, aux exploitations sans normes de sécurité, à la pauvreté des familles et au travail des enfants. Après un court métrage en 2015 tourné dans une mine d’or illégale au Bénin, Simon Panay, pour son premier long métrage documentaire, retrouve son filon aurifère. Au Burkina Faso cette fois, dans la mine artisanale de Perkoa, choisie parmi des dizaines d’autres du même type. Là, il rencontre Opio Bruno Bado, jeune garçon d’une dizaine d’années, au charisme exceptionnel. Il a 13 ans au moment du tournage. Trop jeune pour descendre dans des trous non étayés, à plus de 200 mètres sous terre, il travaille en surface. Il remonte les mineurs suspendus à une corde, en actionnant un treuil. Il vit dans le campement des mineurs, à 5 kilomètres du village où résident son père, les deux épouses de ce dernier et la fratrie nombreuse. Une famille à laquelle il abandonne ses maigres revenus. Payé par des sacs de cailloux, il doit, en effet, broyer, mouiller, tamiser, chauffer ces pierres, pour parfois tirer un peu de poussière d’or. Une miette de pépite qu’il devra encore réussir à vendre au bon prix. Opio a quitté l’école au CE1. Il ne sait ni lire ni écrire. Son père voudrait qu’il intègre un centre d’apprentissage pour s’assurer un avenir plus sûr mais les frais de scolarité sont trop importants. Opio doit se débrouiller tout seul pour réunir l’argent. Il demande alors à son chef une dérogation pour descendre dans les galeries souterraines, où, avec l’aide de Dieu, de la chance ou de la magie d’un marabout, on peut devenir riche, dit-on.
Dans le trou noir de la mine
Simon Panay ne le lâchera pas. Dès les premières images, caméra épaule, il suivra le jeune Burkinabé de dos, se découpant sur un environnement flou, ouvrant le chemin et le cadre. Il le filmera de face dans la dernière séquence, affirmant avoir voulu l’« insérer dans le décor… trop absorbé par cet univers pour pouvoir s’en détacher ». Il l’accompagnera lors de la première descente dans le trou noir de la mine, passant d’un plan sursaturé de lumière blanche à la nuit souterraine éclairée à la torche. On verra Opio dans les gestes du travail, dans les moments familiaux, et ceux de détente avec ses compagnons. Trop petit pour le vélo qu’on lui prête, les bras trop peu puissants pour tirer les adultes hors du puits, ou pour attaquer la paroi au marteau et au burin. Trop enfant pour subvenir aux besoins d’une famille nombreuse. Et pourtant assez grand, assez fort, assez adulte pour tout ça. Si tu es un homme, dit le titre… Il reste à Opio assez d’enfance pour se balancer sur les branches d’un grand arbre dans un rare moment de grâce. Et un regard sans âge, si triste. Aucun misérabilisme ni complaisance dans ce film. Aucun pathos, ni jugement. La photo en lumière naturelle saisit la beauté âpre de ce « pays des hommes intègres », signification de Burkina Faso, où tant de Mozart sont assassinés.
ELISE PADOVANI
Si tu es un homme, de Simon Panay
En salle depuis le 1er mars