L’écriture scénique rejoint, magistrale, celle du texte de Lachlan Philpott. On sait, d’entrée, que quelques chose de grave est arrivé à ces adolescentes. On les découvre avant et après le point de rupture, qui sera révélé à la fin : comme dans un film à suspense l’intrigue vous amène au dénouement, à la révélation qu’on soupçonnait sans l’admettre tout au long. Ces adolescentes, australiennes mais qui pourraient être d’ici, sont d’une inconséquence sidérante : racistes, fières d’êtres des « pouffes », nourries de clip sexuellement dégradants et de porno, mentant sans cesse aux parents, s’assénant des « vérités » caricaturales, des « actions » dégradantes, elles méprisent les adultes, entourées de familles déconnectées ou démissionnaires, et se maltraitent entre elles sans retenue.
Au cordeau
La maitrise de la scène de Carole Errante impressionne : on passe d’un temps à l’autre, d’un espace à l’autre, par des balances brutales de lumière et de son (la régisseuse est présente sur scène). Un mot : « avant », « maintenant », suffisent. La metteuse en scène sait aussi parfaitement diriger des comédiennes qui incarnent l’adolescence avec une vérité subtile mais entière : Alia Cosman, campe une gamine de 14 ans provocatrice, autoritaire, perdue, révoltée contre tout et sans interdit. Annaelle Hodet joue sa copine, plus enfantine, portant une douleur et une douceur anciennes, obéissante. Elisa Girard subit leur racisme et se soumet pourtant, voulant elle aussi échapper au poids de sa famille, immigrée et pauvre. Elle s’échappera de l’étau à temps, peut être parce que sa mère l’aime ? Ou par hasard…
Anne Naudon joue toutes les adultes. Toutes les mères, la proviseure, les psys, les médecins, auprès desquelles ces adolescentes vont se reconstruire. Car « après » la rupture L’Aire poids-lourds raconte aussi une reconstruction, une prise de conscience progressive, et la faculté de résilience. Nous suggérant comment sortir nos ados d’un piège dont peu d’adultes mesurent la violence.
AGNES FRESCHEL
L’Aire poids-lourds a été créé au Théâtre Vitez (Aix en Provence) les 16 et 17 janvier et au Chêne noir (Avignon) les 24 et 25 janvier
À venir
Du 4 au 8 février
Théâtre Joliette, Marseille
Du 1er au 3 avril
Scène nationale de Châteauvallon
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