Implanté dans le quartier populaire de la Belle de Mai, le Klap créé par Michel Kelemenis accueille depuis 2011 des compagnies en résidence et anime des ateliers en direction des habitants du quartier, notamment les enfants. En ce début d’automne commence le dispositif Question de Danse [lire p.VI], qui offre aux compagnies la possibilité de travailler leurs créations et d’en présenter les étapes.
C’est ainsi que la Cie Anima Motrix a proposé deux extraits de sa création en cours. Il s’agit d’un travail très particulier qui mêle avec finesse le texte et la danse, les mots et les corps.
Emma Gustafsson, qui a dansé une dizaine d’années sous la direction de Preljocaj, met en scène et en mouvement le texte de Jon Fosse (prix Nobel 2023), Je suis le vent. Texte intimiste et troublant qui repose sur le dialogue de deux personnages sans nom, désignés anonymement par L’Un et L’Autre. Il est question d’un bateau qu’il faudra amarrer au rivage, d’un ciel gris, d’un schnaps qu’il faudra boire pour s’encourager à vivre, de mots qui s’échappent…
Au début la lumière se fait sur un plateau occupé par un arbre en fleurs posé sur un sol-miroir entouré de papiers froissés… traces de l’écriture ? On serait sur la mer, et les deux comédiens-danseurs, Anne Duverneuil et Nicolas Martel, ne surgissent qu’après cette première image qui nous projette d’emblée dans un monde qui n’est pas vraiment le nôtre. La chorégraphie qui s’ébauche est intériorisée, le geste léger, le dialogue minimaliste. Pour Jon Fosse on n’est jamais sûr de ce que disent les mots. Mais peut-on se fier aux gestes ? Beaucoup d’interrogations restent en suspens. Tel est l’univers du poète-romancier prolongé par la chorégraphe.
CHRIS BOURGUE
Je suis le vent a été présenté le 2 octobre à Klap - Maison pour la danse