lundi 18 mars 2024
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« Le Ciel rouge », dans le feu de la Baltique

Avec ce film aux contours flous et à l’intelligente finesse, Christian Petzold décroche l’Ours d’argent du Grand prix du jury

Le réalisateur allemand Christian Petzold vient de décrocher à Berlin, l’Ours d’argent du Grand prix du jury, pour Roter Himmel (titre français : Le Ciel rouge), deuxième volet d’une trilogie mettant en avant les éléments. Après l’eau d’Ondine, ce sera donc le feu. Le feu d’un été brûlant, d’un incendie au temps du réchauffement climatique, le feu des passions éternelles qui consument les cœurs. Heinrich Heine y est convoqué : « Je suis de la tribu d’Asra / de ceux qui meurent quand ils aiment ».

Une forêt, une station balnéaire de la Baltique. Loin des villes, un paradis estival qui devrait être d’insouciance mais sur lequel volent les hélicoptères des soldats du feu. Deux amis, Felix (Langston Uibel) et Leon (Thomas Schubert) emménagent dans une villa prêtée par la mère de Felix. Le premier veut prendre du bon temps et trouver une idée de sujet pour un porte-folio. Le second doit finir le manuscrit de son deuxième roman. Tout oppose les deux jeunes hommes. La classe sociale, le physique, le caractère. Felix est ouvert, positif, sympathique. Leon est bougon, négatif, maladroit. Tout à la fois vaniteux – il se drape dans la toge de l’ « artiste » qu’on ne doit pas déranger dans sa création, et jaloux de l’aisance des autres à vivre. Entre mépris et envie. Anxieux des jugements de son éditeur (incarné par Matthias Brandt) et de ses lecteurs. Le réalisateur, qui ne manque pas d’autodérision, a affirmé qu’il s’identifiait au masochisme de ce personnage.

Faussement simple

Le film commence comme une comédie de caractère et de situation, autour des réactions cocasses de Leon face à l’enchaînement des contrariétés. Panne de voiture, maison déjà occupée par Nadja (Paula Beer), une nièce de la propriétaire et, cerise sur le gâteau, l’intrusion de Devid (Jonas Dassler), athlétique surveillant de baignades aux solides appétits sexuels. Entre l’écrivain, le photographe, le maître-nageur et la jeune femme, vont se nouer des rapports amicaux, amoureux. Un coup de foudre refoulé. Un coup de foudre assumé. Charme solaire de Nadja qui pédale par les chemins et échappe à tous les regards convenus, sensualité des corps qui bronzent, jouent, font l’amour. Christian Petzold dit s’être inspiré des « films d’été français » et du Songe d’une nuit d’été deShakespeare : le théâtre de la confusion sentimentale et des faux semblants, la légèreté et la gravité intimement liées. La vie, l’amour, la maladie, la mort.

Le Ciel rouge est un film faussement simple. Un film sur le regard. Celui de Léon qui se trompe systématiquement sur la réalité qu’il observe – la référence fugace à Uwe Johnson, disciple d’une école du regard, n’est sans doute pas fortuite. Celui de Felix qui photographie ceux qui regardent la mer, de face et de dos. Celui du réalisateur, enfin, qui manipule le nôtre, amusé, et bougrement malin !

ÉLISE PADOVANI, à Berlin

Le Ciel rouge de Christian Petzold a été présenté à la Berlinale 2023, Berlin.
Le film a reçu l’Ours d’argent du Grand prix du jury.

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