Inés Barahoma et Miguel Fragata, respectivement autrice et metteur en scène de Terminal, prônent la résistance, le rapport à la nature et la foi dans les fictions et leurs représentations théâtrales. Terminal invente une fable dystopique, une société qui sombre en déréglant les cycles de la terre et du fleuve, et en accueillant des boas constrictors en son sein. Qui se transforment en capitalistes à peau de serpent, et étouffent ceux qui vivaient jusqu’alors à Era – c’est ainsi que se nomme ce monde- en harmonie, et en souffrance aussi, avec leur environnement.
Cette première partie de l’histoire, celle du cataclysme, se raconte à plusieurs voix narratives, accompagnées de musique live. Ce qui génère forcement de l’inconfort pour le spectateur non lusophone : le texte est bavard et les surtitres, en français et en anglais, sont projetés en haut du mur du Cloître, hors du champ de vision si on veut suivre le jeu des acteurs. Ou les évolutions d’une scénographie et de lumières particulièrement soignées : les racines sortent de terre, les platanes de la cour semblent avancer, des fumées changent le cloître religieux en ruines futuristes, tendance BD.
Bonheur futur
On espère donc, au terme de cette partie si narrative, entrer dans une action, des dialogues, des situations de lecture moins inconfortables, qui permettront de profiter du jeu des acteurs dont la présence, sous les surtitres, semble formidable.
Ils se retrouvent à quatre, survivants du cataclysme d’Era, dans un lieu terminal, dont ils doivent chercher la sortie qui leur ouvrira la porte d’un futur possible. Et quelques moments de jeu, entre eux, surviennent. Celui qui symbolise le capitalisme embobine la « citoyenne ordinaire » dans un réseau d’achats symboliques qui l’immobilisent et la soumettent. Mais les deux autres personnages disparaissent régulièrement dans des mondes parallèles, des futurs explorés, dont ils reviennent pour faire à nouveau, longuement, le récit de leurs voyages, face au public, dans des halos de lumière. Et le choix s’impose de les regarder jouer, ou de lire ce qu’ils disent en jetant parfois un œil vers eux.
On comprend, ainsi, que l’un désire un futur de bonheur psychotrope, l’autre un retour à l’ancienne Era, la troisième un rapport étroit avec la flore, le dernier la fin des relations marchandes et de la propriété. Ils n’ont d’autre choix, au terme de Terminal, que d’inventer un futur ensemble, une fable commune. Que les spectateurs lusophones peuvent apprécier à la juste valeur d’un spectacle dont on n’aura perçu que des bribes, faute d’un dispositif plus judicieux de surtitrage.
AGNES FRESCHEL
Terminal
Jusqu’au 21 juillet, 22h – Cloître des Célestins, Avignon