Après un premier volet, achevé le 15 juin, voici la seconde partie de Ce que pense la main, une exposition en deux temps conçue par la directrice du Frac Sud, Muriel Enraljan. Il fallait bien cela pour mettre en valeur les nombreuses œuvres correspondant au fil rouge de l’année 2025, l’interface entre art et artisanat. « Nous avons puisé dans notre collection, qui a désormais 40 ans, certaines pièces acquises au début des années 1980, qui entrent en résonance avec celles plus récentes de jeunes artistes. Parmi lesquels beaucoup sont de la région, la création locale étant très dynamique. »
Manier l’outil
Si la première découverte du parcours, une main évocatrice de l’art pariétal, conçue par Romain Signer au moyen d’une explosion de peinture, entre directement dans le vif du sujet, d’autres se relient moins littéralement à la thématique. Stéphanie Nava a par exemple produit un dessin mural destiné à être répliqué avec ou sans elle, tirant la fresque artistique vers la décoration artisanale. « On pourrait l’imaginer orner un préau d’école », sourit Muriel Enraljan.
À l’inverse, Imane Fakhir ramène les mouvements du quotidien vers l’art du geste, en filmant sa grand-mère dans sa cuisine. Casser un pain de sucre ou préparer la graine de couscous devient chorégraphie.
Parfois, ce sont les matériaux qui font résonner les pratiques. Le plasticien Dominique Angel revisite avec humour la notion de chef d’œuvre des beaux-arts « à l’ancienne », en recourant pour sa colonne sans fin, Objet de vertu, à de simples seaux de fer emplis de plâtre. La pièce majeure de l’exposition, une spirale de 1217 tuiles d’argiles évoquant un banc de poissons, est signée Gabriel Orozco. Ce pourrait être tout autant une murmuration d’étourneaux, l’artiste étant parvenu, par cette matière inerte déposée à terre, à évoquer l’indicible beauté du déplacement en multitude animale.
Art en prise avec son temps
Souvent, le propos se fait politique, ou social. Pascale Mijares, sculptrice marseillaise d’origine portugaise, rend hommage aux travailleurs qui fabriquent les fameux azulejos, ces carreaux de faïence hérités de la période où la péninsule ibérique était sous domination musulmane, en reprenant leurs motifs bleus sur des sacs de ciment. Olivier Millagou, installé à Bandol, confronte l’innocence enfantine et notre société du déchet, avec sa série Eco Plush, des doudous égarés moulés en terre cuite. « Si les politiques semblent en ce moment se distancier de l’écologie, reprend Muriel Enraljan, les artistes s’y plongent à corps perdu, questionnent le recyclage, les destructions d’écosystèmes… En tant qu’institution, nous nous interrogeons aussi sur nos métiers, déplacements, le transport des œuvres. » Voilà bien la mission des artistes : capter l’important, dans l’impermanence des vies humaines, et le rendre au temps.
GAËLLE CLOAREC
Ce que pense la main 2
Jusqu'au 23 novembre
Frac Sud, Marseille
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