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Dying in America

Dans une mise en scène signée Aurélie Van Den Daele, Angels in America fait ressurgir les démons de la société états-unienne en proie au reaganisme et à l’épidémie de Sida

Écrite en 1991 (éditions L’avant-scène théâtre), Angels in America a révélé le dramaturge américain Tony Kushner, lauréat du prix Pulitzer de l’œuvre théâtrale et deux Tony Awards pour cette pièce fleuve, qui a connu bien des adaptations. Parmi elles, un opéra du compositeur hongrois Péter Eötvös (2004) et une mini-série (2008) réalisée par Mike Nichols, avec Al Pacino et Meryl Streep. Pour le théâtre, après la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman pour le Festival d’Avignon en 1994, et avant celle d’Arnaud Desplechin pour la Comédie-Française en 2020, existait la version d’Aurélie Van Den Daele, créée en 2015 à la Cartoucherie à Paris.
Celle qui constituait l’un des événements très attendus de la deuxième édition de la biennale Le Liberté + In&Out 2022, coorganisée par la scène nationale de Toulon et l’association niçoise Les Ouvreurs. Mais la durée annoncée, 4h30 avec entracte, pourtant loin des 7 heures de la pièce originelle, a visiblement refroidi les moins aventuriers. Pourtant Angels in America est une expérience théâtrale déroutante dans ses passages les plus aboutis. Alors que sévit le néolibéralisme reaganien, une épidémie, plus directement mortelle, tétanise les États-Unis. Roy Cohn, avocat aussi véreux qu’influent cumule les oxymores : homosexuel et homophobe, juif et antisémite. Malade du sida qu’il travestit en cancer du foie, il est hanté par le fantôme revanchard d’Ethel Rosenberg, qu’il contribua à condamner à la chaise électrique une trentaine d’années plus tôt. 
Également atteint, Prior, que son compagnon Louis quitte par lâcheté et non par désamour, est hanté par sa possible mort. Harper et Joe, couple mormon en déliquescence, finit d’exploser quand l’époux décide d’assumer son homosexualité. Autant d’individus paumés voire névrosés qui dépeignent une Amérique où les seuls rêves viennent d’hallucinations mystiques. La mise en scène détonante d’Aurélie Van Den Daele trouve sa puissance dans une dichotomie de l’espace, surlignant la dualité des personnages, l’ambiguïté de leurs sentiments et, au final, leur capacité à coexister dans une forme d’acceptation de ce qui semble une fatalité. Longuet, pesant, insuffisamment insolent mais étrangement captivant.

LUDOVIC TOMAS

Angels in America a été joué le 2 décembre au Liberté, scène nationale de Toulon, dans le cadre du festival Le Liberté + In&Out 2022.

Nue comme un verre
Le titre intrigue. Il ne pourrait pourtant être plus explicite. Je te chante une chanson toute nue en échange d’un verre est une performance certes osée mais on ne peut plus douce et bienveillante de Vanasay Khamphommala. Dans l’intimité de sa loge, l’artiste pluridisciplinaire fait choisir une chanson à son petit comité d’invité·es. Nous élirons Hallelujah de Leonard Cohen. L’interprète s’exécute, retirant ses vêtements, jambes croisées et ukulélé à hauteur du bas ventre. C’est au sortir du confinement que Vanasay a imaginé cette performance initialement jouée à domicile contre un repas. Réflexion conjuguée sur l’avenir incertain de l’expression artistique et l’enfermement du corps dans un genre assigné, ce numéro sans apparat offre un quart d’heure musical et d’échange dans la plus saine simplicité. L.T.

Liberté ballroom

Quand la scène nationale de Toulon s’immerge dans la culture voguing
Si beaucoup ont découvert l’existence du voguing grâce au tube de Madonna en 1990, cette discipline inspirée des poses et démarches des mannequins remonte aux années 1920. Pour en apprendre un peu plus sur ceux qui la pratiquent, le festival toulonnais proposait une conversation avec des figures de cette danse emblématique au croisement des communautés minoritaires noires, latinos, gay et transgenres aux États-Unis. Une occasion de comprendre la culture ballroom (du nom de la scène où les compétiteurs performent dans un mélange de défile de mode et de battle) et ses codes.
Et d’avoir en tête que, si le voguing s’est popularisé ces trente dernières années, il continue de véhiculer des valeurs politiques issues de la scène underground. Animée par l’artiste visuel et spécialiste Frédéric Nauczyciel, cette rencontre revient sur le parcours de Lisa Revlon. De sa première participation à un ballroom à la manière dont elle a imposé le voguing dans la ville de Baltimore. Également présent à cette soirée sous le signe de la Célébration, le danseur et maître de cérémonie de renommé internationale Matyouz Ladurée « mother » (chef·fe) de la « house » (à la fois groupe social et écurie sous la protection de la mother) qui porte son nom, première du genre à Paris. On comprend alors que le voguing, en plus d’être un espace de libre affirmation de soi, représente aussi une cellule de protection et de sûreté dans une société où les violences et discriminations à l’égard des LGBTQIA+ n’ont jamais cessé. Une fois les bases acquises par le public dont une partie a participé à un atelier pratique en début de soirée, le hall du Liberté se transforme alors lui-même en ballroom pour une démonstration conviviale de fierté et d’extravagance. Après le Mucem l’été dernier, une autre institution culturelle à dimension nationale ouvrait donc ponctuellement ses portes au voguing en région Paca.
L.T.

La soirée Célébration s’est déroulée le 3 décembre au Liberté.
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