Est-il temps de repenser les hiérarchies des arts d’aujourd’hui ? Hervé Di Rosa est partout, et ses arts modestes interrogent à Sète l’art du papier d’emballage – d’agrumes exclusivement [lire sur journalzebuline.fr] – et font la joie du Mucem qui n’a jamais été aussi coloré et populaire.
À Avignon, c’est la sublime église des Célestins, magnifiquement et modestement restaurée, qui accueille ses Curiosités du MIAM. Cinq ans après les Extases mystiques d’Ernest Pignon-Ernest, la chapelle principale est envahie d’une autre irrévérence religieuse, sans plus de sacrilège pourtant.
Pignon-Ernest voulait faire entendre « les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée » chers à Nerval dans des extases charnelles sublimes mais délicieusement terrestres ; le MIAM alimenté par les œuvres de Di Rosa et les agencements de l’infatigable chineur Bernard Belluc, fait surgir des démons multicolores, des gremlins pop, des viscères roses, des démons bleus, et des figurines enfantines grimaçantes disposées en une immense croix sous la nef centrale.
À l’entrée une sainte famille en papier mâché, un peu partout des gargouilles fantaisistes, des rocailles, des mickeys, une collection de faïences étalant des sortes de vulves paysagées, une barque de squelettes emmenant vers Cythère, un bus et des faux gardiens goguenards, assis, qui regardent les visiteurs…
Tout-monde, Tout-art
On fait ainsi un tour du monde du goût, bon ou mauvais, peu importe, du Mexique à l’Afrique, de religiosités diverses en icones capitalistes, d’un sale portrait de Mireille Mathieu en chevalier du temps couvert de cadrans de montres.

Le plan ? Il est indiqué sur le planisphère à l’entrée : si les cartels sont rares, si les artistes sont pour la plupart anonymes, le projet des commissaires est clair. Dans cette église il s’agit de renverser l’ordre de l’art. En irrigant le sacré de profane, sinon de profanations – le MIAM, modeste, n’est pas révolutionnaire – mais aussi en rapprochant ses pôles : L’Archipel des Arts modestes d’Hervé Di Rosa exposé à l’entrée inscrit ses trouvailles entre art académique et art populaire, déclinant tous les autres en une multitude d’îles : les petits continents, art naïf, brut, singulier, street art, art religieux, commercial, amateur, traditionnel, bordent les minusculesîles, fanzines, canevas, piñatas, boules de neige et épouvantails…
Car cet art archipélique fait tout-art de sa diversité : de genre, de destination, de matériau, degéographie. Mais il s’emploie dans ses rapprochements à dégager des sensations de joie et de peur légère, d’enfance, et à convoquer des souvenirs communs, pour faire tout-monde.
AGNÈS FRESCHEL
Les Curiosités du MIAM
Jusqu’au 15 juin
Entrée libre
Eglise des Célestins, Avignon
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