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Le RN a mangé nos esprits, et nos médias

Comme vient de le révéler un article de Mediapart la metteuse en scène et dramaturge franco-irakienne Tamara al Saadi a subi des pressions de directeurs de théâtres et de festivals pour retirer, à la fin des représentations de Taire, un texte qu’elle lisait en soutien à la population de Gaza. 

Censure, autocensure, prudence ou soumission, ce geste grave est le signal d’un changement profond qui s’opère dans le monde culturel et médiatique : les responsables semblent anticiper l’arrivée des forces obscures dans les exécutifs des collectivités qui les financent, et s’apprêtent à devoir négocier avec le RN, ou une droite qui ne refuse plus de pactiser avec lui. 

Quel que soit le degré d’implication des membres du comité régional « Extrapôle » qui ont exercé ces pressions, il s’agit de rappeler que ce sont eux, aussi, qui ont choisi de produire ce spectacle d’une jeune autrice et metteuse en scène racisée qui travaillait alors, avant le 7-Octobre, avec des artistes palestiniens. Ses spectacles précédents, Istiqlal et La Place, clairement décoloniaux et militants, avaient retenu leur attention au point qu’ils lui confient la plus grosse production dramatique de la Région Sud. Que s’est-il passé alors pour qu’ils perdent à ce point le sens de ce qui peut être imposé à un·e artiste et à sa parole publique ? 

Endosser l’armure

La réalité électorale de notre région est celle-ci : sans un virage décisif, une prise de conscience, un sursaut, le RN va revenir au pouvoir à Toulon, et dans un nombre conséquent de municipalités de la côte. Sans épargner le Vaucluse et les arrières pays. Les élus RN vont siéger dans la plupart des exécutifs municipaux, des métropoles et intercommunalités. 

Ils vont, c’est certain, peser dans les décisions de financements et pousser les exécutifs de droite à cesser de subventionner la culture publique. Wauquiez en Rhône Alpes, Morançais en Pays de la Loire, ont déjà mis les compteurs à zéro dans un nombre important de structures que leurs régions finançaient, détruisant méthodiquement théâtres, orchestres, festivals, musées. Sans attendre le RN, et en visant spécifiquement des acteurs culturels qui revendiquaient indépendance et liberté de création.  

Partir ou rester

La suite s’annonce pire. Il est possible, aujourd’hui, d’imaginer le RN au pouvoir en France, et plus probablement encore en région Paca, dont il constitue d’ores et déjà, cas inédit en France, la seule force d’opposition suite au retrait de la gauche lors des précédentes élections. Les décisions de la majorité présidée par Renaud Muselier ne sont plus soumises aux critiques d’un camp progressiste absent, mais d’une extrême droite profondément hostile à la diversité culturelle.

Dans un tel contexte, comment les opérateurs culturels envisagent-ils l’avenir ? Vont-ils partir ou baisser la tête ? Aménager leurs discours et leurs programmations pour survivre, ou laisser comme en Italie, les directions des scènes à des valets de Meloni qui récrivent l’histoire ? Quel est le bon endroit de résistance dans un régime fascisant ? L’affrontement, le louvoiement, le renoncement ? 

Certains en meurent

Affolée par les conclusions, pourtant fileuses, des États généraux de la presse, les médias d’extrême droite se ruent sur un Macron qu’ils accusent de vouloir inventer un label d’État et un ministère de la Vérité. Défendant la liberté de la presse, les milliardaires français qui ont la main mise sur la « vérité » médiatique, veulent faire croire qu’ils défendent le pluralisme, alors qu’ils le musellent aujourd’hui en achetant les médias, l’édition, la visibilité dans l’espace public et sur les ondes, faisant exercer leur censure sur les humoristes de France Inter, les journalistes de plateau et ceux des rédactions qu’ils rachètent. 

Le président de la République n’a pas l’outrecuidance d’imaginer qu’il connaît ou détermine la Vérité, mais il n’a plus les moyens d’arrêter une propagande d’extrême droite, après avoir lui-même aidé à son expansion: c’est en simplifiant les récits, en bannissant le doute, en refusant les métissages, les aspérités, les autres, qu’ils imposent leur « vrai ». Et font taire les jeunes femmes artistes racisées qui défendent la cause des colonisé·es et des enfants sous les bombes.

Agnès Freschel


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