Avec Contre-nature, Rachid Ouramdane flirte avec le ciel et l’apaisement. Un an après sa création, la pièce magistrale du directeur du Théâtre national de Chaillot passe enfin à Miramas, Ollioules et Aix-en-Provence
Rachid Ouramdane a pris en 2021 la direction du Théâtre national de Chaillot, une maison à l’histoire remarquable, où Jean Vilar réinventa le Théâtre national populaire et que Didier Deschamps, directeur précédent, transforma en Théâtre national de la Danse, contemporaine et de création. Rachid Ouramdane, nommé à sa suite par Roselyne Bachelot en pleine crise du Covid, avait pour projet d’en faire le théâtre de la diversité et de l’hospitalité, projet qu’il conduit avec brio, tout en poursuivant son œuvre de chorégraphe avec la Compagnie de Chaillot.
Si celle-ci n’est pas une troupe permanente, les « danseurs-acrobates », comme Rachid Ouramdane les désigne, ont des « parcours hybrides » qui leur permettent d’être à l’aise aussi bien dans les airs qu’au sol. Porteurs, voltigeurs et danseurs fabriquent ensemble une danse-cirque où il s’agit pour les uns de « polir leurs gestes » pour « fabriquer un leurre », afin que les spectateurs « ne comprennent plus qui porte qui et où sont les limites des corps ». Pour les autres, danseurs contemporains pourtant habitués aux acrobaties de la danse contact, il s’agit ici de s’élever plus haut, de tourner plus vite, d’être projeté·es plus loin, de multiplier les portés successifs.
Evocation pudique du deuil
Et la recette fonctionne grâce à la musique apaisée de Jean-Baptiste Julien et la scénographie de Sylvain Giraudeau, faite de projections de visages, de paysages vides, sur des tulles et des fumées. Il s’agit d’évoquer un deuil contre-nature, celui d’un fils, et la pudeur du chorégraphe transforme cette évocation de « la douleur de ceux qui restent » en un voyage vers la douceur d’un souvenir, presque apaisé, où les corps se portent, s’enlacent, confient leur poids aux autres, où les chutes se reçoivent, s’amortissent, permettant l’abandon, construisant la confiance.
Embrassant son sujet, la danse se fait pudique, neutralisant les exploits physiques, pourtant exceptionnels, des interprètes qui semblent abolir la gravité. La fragilité devient une force, le noir du deuil une douce brillance. « On est fait, dit le chorégraphe, des personnes que l’on a connues et qui nous ont quittées ». Les images jaillissent, inattendues, les émotions sortent des brumes et apaisent, comme le peuvent parfois les larmes.
Agnès Freschel
Contre-nature
Rachid Ouramdane
Compagnie de Chaillot
12 novembre
Théâtre La Colonne, Miramas
Scènes & Cinés
14 et 15 novembre
Théâtre de Châteauvallon, Ollioules
Scène nationale Châteauvallon-Liberté
18 novembre
Pavillon Noir, Aix-en-Provence
Centre National Chorégraphique






