Ouverte le 8 décembre jusqu’au 24 mars prochain, l’exposition Boris Charmatz – Danses gâchées dans l’herbe s’inscrit elle aussi dans le projet Faire société avec lequel Muriel Enjalran est arrivée à la direction du Frac Sud en 2020 : accompagner l’intérêt renouvelé des artistes pour les liens art et société. Des liens que le danseur et chorégraphe Boris Charmatz, tout juste cinquantenaire, représentant éminent de ce qui a été appelé « la non-danse » (en opposition à la danse « virtuose ») ou « la danse plasticienne » (par ses rapprochements avec les concepts et dispositifs de l’art contemporain), directeur depuis l’été 2022 du Tanztheater de Pina Bausch à Wuppertal, interroge depuis longtemps à travers sa pratique de danseur et de chorégraphe. Notamment avec le « Musée de la danse » projet qu’il a mené de 2009 à 2018 depuis le CCN de Rennes, travaillant sur les paradoxes de conservation et de transmission d’un art vivant. Mais Danses gâchées dans l’herbe n’est pas une rétrospective de son travail, même si évidemment on en trouve de larges échos : l’exposition est uniquement constituée de six films.
Films-œuvres
Six films qui sont revendiqués comme des films-œuvres, car même s’ils convoquent des chorégraphies ayant existées en tant que spectacles, la danse et les situations dans lesquelles elle s’est déroulée ont été retravaillées spécifiquement pour chaque film. Dans la salle d’exposition du Frac, ils sont projetés dans la pénombre sur de larges et solides cimaises posées au sol. Disparates ouvre la danse, film de 1999, le plus ancien, tourné à Dieppe (bar, pont tournant, friche, piscine, plage…) par César Vayssié, d’après le solo Les Disparates, proposant des « états de danse » éclatés, créé 5 ans plus tôt.
Derrière, on découvre quatre autres films, répartis de chaque côté d’un espace dont le centre est occupé par deux bancs. Ceux signés par Boris Charmatz et César Vayssié ont été réalisés à partir de la pièce Levée des conflits (2010), chorégraphie pour 24 danseurs et 25 gestes pendant 1h40, gestes qui, à l’origine, glissent imperceptiblement d’un danseur à l’autre. Il s’agit de Levée (14mn – 2014) dansée sur un terril filmé depuis un hélicoptère qui déclenche, en se rapprochant des danseurs, une tempête de déchets de charbon, de pierres, et de poussière. Et de Danse gâchées dans l’herbe (16mn – 2023) où les mêmes « matériaux chorégraphiques » sont dansés de nuit sur un terre-plein d’herbes folles par Marion Barbeau, première danseuse du ballet de l’Opéra de Paris. De l’autre côté, deux films réalisés par Boris Charmatz et Aldo Lee : étrangler le temps (34mn – 2021) d’après la pièce éponyme conçue et interprétée par le chorégraphe avec Emmanuelle Huyn en 2009, un extrait dansé de façon très ralentie, filmé de nuit au Grand Palais, de « Trois boléros » d’Odile Duboc. Et Une lente introduction (24 mn – 2007) d’après Herses, chorégraphie de 1997, cinq danseurs nus, dans le noir et le silence, interrogeant-explorant en corps, en mouvements et en danse le couple et le collectif. Enfin, à l’étage, le film Transept (55 mn – 2023), co-produit par le Frac Sud, projeté sur l’écran de la salle du plateau expérimental, montre la performance impressionnante, dansée et sifflée en même temps, de Boris Charmatz, imaginée à partir de Somnole, présentée au Festival de Marseille en 2022, rejouée ici dans l’église gothique de Saint-Eustache de Paris.
MARC VOIRY
Boris Charmatz - Danses gâchées dans l’herbe
Jusqu’au 24 mars
Frac Sud – Cité de l’art contemporain, Marseille
fracsud.org