Nourrie par sa vie personnelle et par les grandes causes socio-politiques contemporaines, Émilie Frèche réalise avec Les Engagés son premier long métrage. Comme le souligne le titre, le film incarne l’engagement, utilisant la fiction pour porter les idées, et l’empathie pour gagner l’adhésion.
David (Benjamin Laverhe) est kiné à Briançon. Il aime la montagne, l’escalade et sa compagne Gabrielle (Julia Piaton), professeure dans un collège de la région. C’est le beau-père heureux des deux enfants de Gabrielle. Un bonheur sans autre nuage que les prétentions de leur père à une garde exclusive. Cette bulle d’égoïsme tranquille explose lorsque la voiture de David renverse Jocojayé (Youssouf Gueye) un jeune migrant guinéen, poursuivi par les gendarmes. L’adolescent n’a rien de grave mais, sans réfléchir, David le cache dans son coffre et le ramène chez Gabrielle. Cette rencontre brutale va bouleverser David et l’entraîner dans l’illégalité au risque de perdre son métier, son amour et sa liberté. Certes, il savait que l’immigration passait par cette frontière alpine mais cette « connaissance » ne l’atteignait pas avant Joco.
Une enquête de terrain
Il découvre, et nous avec lui, les associations d’aide aux migrants, les démarches complexes pour leur obtenir le droit d’asile, la notion de « mijeur », les procédures, les maraudes nocturnes pour les sauver des gendarmes, du froid et de la faim. Sa belle montagne devient le lieu de tous les dangers. Les hélicoptères tournoient, les contrôles policiers se multiplient. David découvre l’injustice de la Justice quand les lois sont inhumaines, ou quand elle condamne des actes de fraternité. Bref quand droit et morale ne coïncident pas. David est un brave homme sans idéologie particulière, qui comme les Justes autrefois, désobéit au nom d’un principe supérieur au code civil.
Le scénario s’inspire de l’affaire des « sept de Briançon ». Des militants avaient permis à une vingtaine de migrants de franchir la frontière franco-italienne, lors d’une manifestation contre les exactions du groupe d’extrême droite : Génération identitaire. Condamnés en première instance, ils furent presque tous relaxés en appel. Comme Cédric Herrou, avant eux, pareillement coupable de solidarité dans la vallée de la Roya, l’avait été, en cassation.
La réalisatrice s’appuie sur une enquête de terrain qui donne à l’histoire une base documentaire, elle donne à voir une montagne photographiée en lumière naturelle par Myriam Vinocour, un lieu de villégiature devenant lieu de mort. Elle table sur une dramatisation parfois un peu naïve. À l’instar du magnifique poème de Prévert, Étranges Étrangers, plaqué sur les images, ou le discours par trop didactique de la directrice du Refuge, Anne (Catherine Hiegel).
Cet opus pourra servir de base à des débats en milieu scolaire et espérons, comme le souhaite la campagne d’impact coordonnée, entre autres par la Cimade et Amnesty International, faire avancer la question des mineurs isolés. Il n’en demeure pas moins que ce sujet demeure beaucoup plus fort que le film.
ÉLISE PADOVANI
Les Engagés d’Émilie Frèche En salle le 16 novembre