La Cité de la musique et le pôle des musiques du monde qu’elle abrite sont une ruche bourdonnante, offrant un aperçu du monde à travers la diversité de ses musiques. Le festival Mehfil y est organisé par l’association Taal Tarang – Indian Arts Academy, fondée à Marseille en 2012 par Nabankur Bhattacharya, musicien et joueur de Tabla, et Maitryee Mahatma, chorégraphe et danseuse Kathak. L’association contribue à la promotion des arts indiens par l’enseignement de la danse, de la musique et l’organisation du festival. Cette année, le thème du festival était le voyage, un défi inhérent à la culture et à la langue urdu, syncrétisme entre les cultures hindoue et persane.
L’Empire moghol a marqué, en 1526, l’apogée de l’expansion musulmane en Inde. Leurs cours royales furent des espaces d’expression et de mécénat essentiels au développement des arts, et la tradition du « mehfil » leur rend hommage au fil des siècles. Aujourd’hui, ces événements sont généralement organisés dans les maisons des mélomanes ou des amateurs de rassemblements de récitation de poésie. Ils combinent l’art de la poésie, le chant, la musique et la danse en provenance de l’Inde du Nord.
Extase hindoue
Le 13 décembre Benoît Gorlich, passionné de l’Inde et de ses spiritualités, introduit les différents tableaux avec une précision historique précieuse pour les non-initiés. Le public, nombreux et divers, se laisse porter par la voix de Madhubanti Sarkar, chanteuse de musique semi-classique indienne dont le prénom est aussi le titre d’un célèbre râga, cadre mélodique permettant aux chanteurs d’improviser pour exprimer un sentiment tout en montrant leur virtuosité.
L’extase créée par l’interprétation de Madhubanti Sarkar s’associe aux chorégraphies de Maitryee Mahatma, dont la performance est exceptionnelle. Ses ghunghuru, bracelets de cheville à grelots, véritable instrument de musique à la technique très évoluée, créent des joutes rythmiques entre la danseuse, le percussionniste aux tablas et le sitar de Nazar Khan.
Les trois tableaux qui se succèdent nous emmènent à travers l’Inde du Nord à la découverte des figures emblématiques de la culture hindoue. Maitryee Mahatma, experte par son héritage mais également par ses recherches universitaires explore les figures mythiques féminines indiennes. Sita, divinité de l’hindouisme, représente l’un des avatars de Lakshmi, la compagne de Vishnu. L’occasion de découvrir une mythologie dont les influences sont mondiales et irriguent de nombreuses cultures. Dans le Rāmāyaṇa, Sītā est l’épouse de Rāma avec qui elle connaît une vie sentimentale tourmentée. Les chorégraphies évoquent différentes divinités, et Maitryee décompose chaque geste, chaque expression du visage ou des mains, donnant vie tour à tour à une fleur et à une étoile.
Le festival se clôture par la diffusion de Latcho Drom de Tony Gatlif. À travers la musique, le chant et la danse, ce film évoque la longue route des Roms et leur histoire, du Rajasthan à l’Andalousie. Latcho drom, qui signifie « bonne route » en romani, rappelle combien les arts voyagent autant qu’ils nous font voyager, grâce aux cultures diasporiques !
SAMIA CHABANI
La soirée de clôture du Festival Mehfil a eu lieu le 13 décembre à la Cité de la musique de Marseille
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