Il est le cofondateur de la maison d’édition L’Ecailler et un des pionniers du polar marseillais ; son Marseille Confidential (2018), inspiré et parrainé par James Ellroy, a ancré le roman noir sous fond de décor mafieux phocéen. La Reine des Sirènes s’ancre dans la même époque, le Front Populaire, pour en mesurer les effets dans une mini-dystopie, l’essentiel du roman se déroulant en 2028.
Le roman s’articule en courts chapitres qui dessinent une mosaïque composite : prélude en 1938 en Catalogne ; le récit 90 ans après, toujours à Cadaquès, de la rencontre d’un poète avec une femme mystérieuse, et sa quête sur une lignée de sirènes, interrompue par des poèmes rimés, des digressions sur la mer et des notices biographiques ; des extraits d’un journal de bord d’un autre narrateur, dont le lien avec le premier n’apparaît qu’au fil de l’histoire, et qui relate la résistance d’une « ville sans nom » qui a fait sécession (Marseille?) pour s’opposer à un état fasciste.
Évidemment ces intrigues se tissent et se recoupent, entretenant ce qu’il faut d’interrogations et de suspense. Les mêmes histoires de trahison, de filiation, de fascination amoureuse et de violence, d’exécution, traversent les époques et les lieux. La résistance dans la « Ville sans nom » s’apprête à perdre la bataille, comme 90 ans auparavant le Front Populaire en Espagne. Que faire, dans ce contexte ? Exécuter les fascistes, sacrifier un compagnon, disparaître ? En finir avec la violence et se retirer face à la mer, plonger dans l’amour et la vie naissante ?
Si La reine des Sirènes se nourrit de Picasso et Garcia Lorca, Dali n’est jamais loin non plus : son surréalisme onirique survit, sirènes et dauphins mêlés, à la violence des Noces de Sang et de Guernica. Le sable des plages, contrairement à celui des déserts misanthropes, a un goût d’avenir, nourri du désir des mers.
AGNÈS FRESCHEL
La Reine des Sirènes de François Thomazeau
L’écailler - 15 €