C’est au théâtre du Jeu de Paume que la conférence de presse annonçant la saison nouvelle a eu lieu, le public de journalistes et professionnels installé sur scène face aux rangées de fauteuils tendus de velours rouge. Dominique Bluzet, directeur des Théâtres, endossait, renouant avec ses amours premières, le rôle de l’acteur. Par cœur, avec une faconde et un esprit d’escalier jubilatoires, et quelques précisions bienvenues sur cette entreprise de théâtre unique en France. Extraits !
A quoi ça sert un théâtre ?
« Je voudrais d’abord raconter ce que nous sommes devenus. Depuis deux ou trois ans, l’activité des théâtres a été possible grâce à l’implication des collectivités, avec plus de 88% de moyenne de fréquentation, 35 000 artistes, 185 000 spectateurs et 220 000 avec les tournées.
Les Théâtres sont une machine extraordinaire, ce sont des maisons avec de la ville autour, ce qui amène à un changement d’appréhension de notre territoire. Le Gymnase reste fermé pour travaux jusqu’en 2025 – et je remercie les théâtres qui nous accueillent en attendant- mais ces travaux illustrent bien notre changement de vision de cette maison de théâtre qui en 2025 sera au cœur d’un quartier reconstruit avec brasserie, restaurants autour.
Bien sûr, la première mission du théâtre est d’amener les gens dans les salles, de leur offrir des aventures artistiques et humaines hors normes, en accompagnant les jeunes compagnies comme celle des Estivants et faire venir les grands artistes du moment.
Mais se pose la question clé : à quoi ça sert un théâtre ? sa finalité est-elle uniquement celle de la représentation ? quelle est sa place dans la vie des gens, en quoi cela est-il important pour eux, en quoi cela les change-t-il ?
Grâce à Aller vers, construit avec le Département, et Garçon un demi, dispositif dans les cafés, le spectacle s’est déplacé dans les EHPADs, les places de villages, les cafés. Mon équipe, merveilleuse, et moi nous interrogeons sans cesse sur notre rapport aux gens du territoire, ceux qui viennent et ceux qui ne viennent pas.
Ainsi on ne conçoit plus le Festival de Pâques sans les concerts décentralisés et les master classes. Avec l’ASSAMI, on va vers les gens en souffrance sociale ou physique ; tout citoyen, quel que soit son état, est en droit d’accéder à la culture.
Pour les enfants il y a les opérations de médiation, mais aussi au festival de Pâques le Festival des Enfants, avec des tranches d’âge définies, qui expliquera depuis la partition jusqu’aux répétitions et la représentation le travail d’un grand orchestre. Le bus des enfants sera à leur disposition pour les amener au théâtre. »
Utopie en actes
Et d’enchainer sur la présentation des spectacles, choisis dans un souci d’équilibre, mais aussi sur des fidélités et des coups de cœur. Sans abandonner l’utopie, sa foi dans un théâtre qui peut sauver le monde : « dans un monde où les ténèbres gagnent, on revendique accès à la lumière ».
C’est pourquoi il soutient le travail de Kamel Guemari, le « Che Guevara des MacDo » et l’Après-M fast food coopératif qui est aussi un lieu culturel et social. Car le directeur des Théâtres s’interroge depuis des années sur son rôle, affirmant que si « les spectacles, c’est le boulot des artistes » le sien est de mobiliser les énergies, par exemple par le mécénat, mais aussi convaincre les décideurs publics de la nécessité, voire de la rentabilité, d’une entreprise culturelle comme la sienne. Car le budget est important, et nécessite de soulever des montagnes pour produire ou accueillir 180 spectacles et concerts.
Dominique Bluzet souligne encore « la chance d’exister sur un territoire avide de culture », des collectivités aux entreprises et aux spectateurs, qui lui permet de concilier proximité et international, chaleur et grand plateau…
180 spectacles
Il est des spectacles « producteurs d’émotions » auxquels les équipes des théâtres s’attachent particulièrement : Les vagues de Virginia Woolf interprétée par Élise Vigneron, poète du froid avec ses marionnettes de glace qui fondent le temps de la représentation ; John a-dreams, la pièce de Serge Valletti revisite le thème d’Hamlet avec l’immense acteur Patrick Pineau ; le facétieux et profond Quand j’étais petite je voterai d’Émilie Capliez, adaptation du roman de Boris Le Roy.
Côté danse nous embarquerons avec Josette Baïz, sélectionnée dans le cadre de l’Olympiade Culturelle 2024 pour sa création Antipodes. Le voisin Angelin preljocaj aussi sera présent, avec sa création en mai, et la reprise de Blanche-Neige avant les fêtes..
La venue du Ballet de l’Opéra de Paris se pérennise, comme celle de la Comédie Française, complétées par l’Orchestre Philharmonique de Hong-Kong, l’Orchestre des Champs-Élysées…
Le festival Actoral s’invite aux Bernardines pour un Tea Time entre Christophe Fiat et Fred Nevché.
Le festival Nouveaux Horizons, entièrement gratuit, fête sa quatrième édition, avec pléthore de propositions de haut vol mêlant musique dite classique et musiques contemporaines et de création, interprétées par huit virtuoses accompagnés par Renaud Capuçon et l’altiste Gérard Caussé : six créations mondiales par six compositeurs d’aujourd’hui.
Virtuosité et dépassement : en septembre Renaud Capuçon au violon et Kit Armstrong au piano donneront l’intégrale des Sonates pour violon de Mozart, une véritable gageure !
Calembours indisciplinaires
La danse, le théâtre, la musique se côtoient et s’entrecroisent dans les divers lieux de la programmation. Dans l’épaisse brochure programmatique de l’année 2023-2024, intitulée Lumière, se décline en calembours de circonstance, « en été, le clavier est toujours bien tempéré », « c’est comme ça qu’en automne, on chopin rhume », « inspirez, shakespearez, c’est le printemps »… L’espièglerie se poursuit et se fait saisonnière…
MARYVONNE COLOMBANI
Les Théâtres Aix-en-Provence, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net
Premières dates 26 au 29 septembre Actoral (voir notre article ici) 27 au 30 septembre Ballet de l’Opéra de Paris 29 au 30 septembre Intégrale des Sonates pour violon de Mozart