Belle idée que d’avoir confié les rennes du Philharmonique de Marseille à Lucie Leguay ! Pour sa première rencontre avec l’orchestre phocéen, la jeune cheffe a emmené ses musiciens sur des terres trop peu explorées. Tout commence ici par une ouverture familière : celle de L’Enlèvement au sérail, interprété pour l’occasion moins « à l’italienne ». L’énergie et la précision de Lucie Leguay célèbrent la joie mais également la ferveur d’un compositeur se rompant à l’exercice du Singspiel : contrastes saisissants, humour et virtuosité jalonnent cette partition lue à toute berzingue.
Jeunesse dans le mouvement
La transition avec un des plus célèbres opus de Mendelssohn se fait ainsi tout naturellement : le Concerto pour violon n°2 est d’un romantisme encore corseté : l’économie des moyens orchestraux s’impose encore face à la vélocité et le brio de l’instrument soliste, déployant ici ses capacités de jeu avec un goût prononcé pour le ludique et l’expressivité. Francesca Dego ne fait qu’une bouchée de ses ornementations en cascade : son violon se fait dansant, riant, évoquant tout particulièrement sur le troisième mouvement les facéties qui se feront également entendre sur Le Songe d’une Nuit d’été. Au retour de l’entracte, l’orchestre s’attaque à l’immense première symphonie de Chostakovitch. Monument également d’expressionnisme, de pétulance mais aussi de grotesque et d’étrangeté, cette grande œuvre révolutionnaire d’un compositeur à peine âgé de 19 ans emprunte autant aux envolées mahlériennes qu’à la sauvagerie de Stravinsky. La direction se fait une fois de plus impeccable, tant dans sa lecture de cette œuvre encore trop rare sur les scènes orchestrales que dans son exécution particulièrement aboutie. De quoi attendre de pied ferme un retour de Lucie Leguay à la tête d’un orchestre décidément plein de ressource.
SUZANNE CANESSA
Concert donné le 20 octobre à l’Opéra de Marseille.