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Mémoire des salles obscures : l’Éden

Alain Bergala présentait son film documentaire consacré à la plus vieille salle du monde en activité : L’Éden de La Ciotat

Le Modernissimo de Bologne, le Champollion du Quartier latin, le Thission d’Athènes, le Lucerna de Prague… Chacun de ces cinémas a sa propre histoire, connectée avec celles de sa ville et des générations qui s’y sont croisées. La collection documentaire créée et dirigée par Joël Farges et Olga Prud’homme-Farges : Cinémas mythiques (Kolam Production) donne une cinquantaine de minutes à des réalisateurs pour retrouver cette « mémoire des salles obscures. » En ce qui concerne l’Éden, « la plus vieille salle du monde en activité », c’est à Alain Bergala que la tâche a été confiée.

Avec subtilité et malice, fort de la complicité cinéphile des frères Dardenne et d’un fonds conséquent d’archives, il articule le récit du destin de l’Éden à ceux de la famille Lumière, des chantiers navals de La Ciotat, et plus généralement à l’histoire du septième art. Sa proposition se bâtit sur une triple temporalité : la durée du documentaire (moins d’une heure), la durée de l’histoire (plus d’un siècle) la durée du séjour de Jean-Pierre et Luc Dardenne découvrant les lieux pour la première fois (quatre  jours d’octobre 2021).

Menace synchrone

Les voix off de Jean-Louis Tixier et Florence Basilio racontent, sur des photos ou des films d’archives, la fortune d’Antoine Lumière, peintre et photographe devenu riche industriel, les inventions de ses ingénieurs de fils Louis et Auguste, le coup de cœur du Lyonnais pour La Ciotat, l’édification d’une villa somptueuse où la famille passera tous ses étés, la projection dans le salon trois mois avant la première séance de cinéma à Paris, de la première « expérience cinématographique ».

Elles racontent la salle de l’Éden, les spectacles vivants, les tournages, les films projetés, les guerres, la fermeture. La chapelle des Pénitents bleus et le rôle de Michel Simon, nouveau citoyen ciotaden. Puis les années 1980, la menace synchrone de disparition de l’Éden et des chantiers navals.

Un mythe

Les lieux sont là, transformés par le temps mais somme toute pérennes. Un filtre noir et blanc comme une vue Lumière se pose souvent sur la couleur du paysage actuel de la ville : cadre dans le cadre et citation cinématographique. Car n’en doutons pas, Alain Bergala parle de cinéma. En suivant les frères Dardenne quand ils découvrent la fameuse gare immortalisée par « leurs » frères Lumière. Quand il les filme dans la belle salle de velours rouge de l’Eden rénové, confrontant ce cinéma des origines à leur propre cinéma, analysant, émerveillés le mouvement saisi par une caméra fixe, la hiérarchisation des plans, le sens de la mise en scène, et la capacité de Louis à saisir la vie. Ou, quand il consacre une longue séquence à la rencontre des réalisateurs belges avec le syndicaliste Denis Polo qui évoque les 10 ans d’occupation des chantiers, en écho avec cette mémoire ouvrière qu’ils ont documentée.

Un cinéma mythique relève bien du mythe, c’est à dire d’une construction imaginaire fondatrice et fédératrice, et aucun, plus que l’Éden, ne semble mériter davantage cet adjectif.

ÉLISE PADOVANI

L’Éden de La Ciotat présenté au festival Image de Ville le 20 octobre en présence d’Alain Bergala

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