jeudi 2 mai 2024
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Montévidéo quitte son domicile

Montévidéo c’est fini : Hubert Colas est contraint de quitter le lieu qu’il a co-fondé il y a 24 ans, QG de l’association Montévidéo, de Diphtong Cie et du festival actoral. La dernière offre de la Ville de Marseille a été rejetée par le propriétaire du site. Hubert Colas nous dit quelques mots de cette défaite

Zébuline. Quels sont les derniers événements qui vous amènent à ce départ forcé ?
Hubert Colas. Après une première proposition de la Ville de Marseille refusée par le propriétaire des lieux, puis l’intervention en octobre dernier de la précédente ministre de la culture [Rima Abdul Malak, ndlr] qui déclare qu’il n’y aura pas d’expulsion à Montévidéo, laissant à la Ville de Marseille la possibilité de renégocier, la nouvelle proposition faite récemment a été inférieure à la première… Le propriétaire ne pouvait que la refuser ! Aujourd’hui, un vivier de l’art contemporain de notre ville disparaît, une certaine idée de la culture offerte aux Marseillais et aux artistes, un vrai foyer d’expression et de liberté d’expression, nécessaire à toute démocratie. Et on reste tout de même un petit peu étonné qu’il n’y ait pas eu un seul geste de monsieur le maire, en ce qui concerne ce site et les activités menées depuis 24 ans, reconnues localement, nationalement et internationalement.

Pour autant, vous ne vous lancez pas d’appel à manifester ou à occuper le lieu ?
On est bloqué par rapport à la situation financière. Le propriétaire a eu le droit par la justice à une réactualisation du loyer sur 6-7 ans. Sur cette somme d’argent, 273 000 euros, l’État a fait un geste important, en finançant 150 000 euros. Il en restait 123 000. Nous avons demandé à ce que cette somme soit répartie entre les autres collectivités. La Ville de Marseille a répondu non, la Région a envisagé des subventions ré-évaluées sur 2024, et le département a voté une subvention exceptionnelle, 10 000 euros, qui nous ont permis de payer les salariés de Montevideo. Aujourd’hui, compte-tenu de cette dette et de la ré-évaluation du loyer, qui est passé à 10 000 euros par mois, plus une indemnité de non-départ qui est autour de 10 000 euros, nous ne pouvons plus rester sur le site, nous ne pouvons plus rien payer.
« La nouvelle proposition faite récemment a été inférieure à la première »

Et vous partez pour où ?
La Ville de Marseille, après avoir répondu non dans un premier temps, nous a dit que la seule solution, pour les bureaux de Montévidéo, c’était finalement la Cômerie. Sachant que nous sommes déjà à la Cômerie depuis 3 ans, dans le cadre d’un projet, où nous invitons des compagnies et des artistes plasticiens en résidence permanente. Nous pouvons nous installer au rez-de-chaussée, les autres artistes aussi, car le premier et le deuxième étage sont interdits d’occupation, pour un défaut d’alarme incendie, que la Ville de Marseille ne propose pas pour l’instant de réparer. Quelques travaux vont être effectués au rez-de-chaussée, en particulier le chauffage, en panne depuis plusieurs mois. C’est une convention de 6 mois, renouvelable une fois. On ne sait pas comment nous allons vivre au-delà de l’année qui vient.

Quelles vont-être les conséquences de ce déménagement sur vos activités ?
Un certain nombre de personnes qui travaillaient au sein de l’association partent, les 2/3 du personnel. Nous resterons à quatre personnes à la fin du mois de janvier. Ensuite, nous allons essayer de maintenir partiellement les activités de Montévidéo. On a signalé à la Ville qu’on a besoin d’espaces de travail et de résidences pour les auteurs vis-à-vis desquels on est engagés en 2024. On va également solliciter des structures marseillaises pour nous permettre de faire des ouvertures publiques. On a déjà des signes positifs du Gymnase, de la Friche, et d’autres. Pour actoral, la Cômerie ne pourra pas être le QG du festival, car il n’y a pas de possibilité d’ouvertures publiques. Montevideo était le fief où les artistes, le public et les professionnels du festival se rencontraient. Je ne sais pas quelle solution on va pouvoir trouver. Quant à ma compagnie, il va falloir qu’on trouve des lieux de répétition, que nous n’avons plus.

Quels enseignements retirez-vous de cette longue bataille autour de Montévidéo, et de cette défaite ?
Il y a eu beaucoup de paroles données, d’assurances données par moment et ça n’a pas été tenu. Ce que je remarque aussi, c’est qu’on a la sensation que les initiatives menées par des acteurs culturels dans cette ville ne sont souvent pas écoutées. On a l’impression qu’il n’y a qu’un seul espace possible, celui des directives institutionnelles. Et qu’on puisse, nous, avoir un regard, une activité et des propositions sur la ville, en direction des artistes et du public, ça ne peut plus exister. Par exemple, Marseille Objectif Danse, initiative magnifique de la part de Josette Pisani, qui a fait venir à Marseille de très grands artistes, et à qui on doit beaucoup pour la danse contemporaine dans cette ville, a aussi été étouffée petit à petit par les institutions. C’est bien dommage.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARC VOIRY

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