Cassandre, dans la mythologie grecque, reçoit d’Apollon le don de prédire l’avenir si elle s’offre à lui. Elle refuse ce marché et ses prédictions ne seront crues de personne. Cassandre ou la mécanique des ombres est le titre du premier long métrage d’Hélène Merlin, inspiré par sa propre histoire. Cassandre est aussi le nom de son personnage principal, une jeune fille de quatorze ans. On est en 1998. C’est l’été et, après une année scolaire dans une école militaire, Cassandre revient dans la grande maison familiale, à la campagne, dont l’escalier est orné des portraits et photos de plusieurs générations.
Elle y retrouve son père (Eric Ru) un colonel psychorigide, tyrannique, sa mère (Zabou Breitman) qui se dit libérée de tous les tabous et un frère, Philippe, (Florian Lesieur), écrasé par son père « un mâle alpha ! », sur couvé par sa mère, mal dans sa peau et malsain. Une chance pour la jeune fille: le père fâché avec le moniteur du centre militaire d’équitation où elle s’entraine, l’inscrit dans un centre équestre aux méthodes très différentes, où l’énergie de vie circule librement aussi bien pour les humains que pour les chevaux.
Le moniteur (Guillaume Gouix) lui semble le père idéal. Elle va ainsi pouvoir, peu à peu, échapper à sa famille fusionnelle et toxique, à l’autorité du père, à la « folie » de la mère et surtout à son frère qui ayant constaté que le corps de sa sœur a changé, va peu à peu en profiter. Lors qu’elle aborde le sujet, « Il ne faut pas en faire un plat ! La promiscuité c’est normal en famille ! » s’entend-elle répondre. Heureusement, elle a nouvelle amie au centre équestre, Laetitia, (Laika Blanc Francard) qui lui redonne le sourire et un peu de légèreté.
Hélène Merlin a mis plus de dix ans pour écrire et réaliser ce film sur l’inceste et surtout sur la résilience, sur la joie de vivre retrouvée. Si certaines séquences sont dures, la cinéaste a réussi à montrer par sa mise en scène, ralentis, plongées et contre plongées, plans conçus comme des tableaux et par ses choix de format d’images qu’on peut sortir de cette situation.
Les marionnettes que manipule Cassandre adulte (Agathe Rousselle), belles séquences récurrentes, jeu qui permet de mettre à distance les traumatismes, offrent aussi au spectateur une respiration. Cassandre a échappé à la « mécanique des ombres » et a su concilier en elle le loup blanc et le loup noir du conte amérindien. Billie Blain incarne à merveille ce personnage qui change et découvre la liberté. La musique de la compositrice Delphine Malaussena contribue à la réussite de ce film nécessaire qui aborde un problème toujours d’actualité.
A découvrir absolument !
ANNIE GAVA
Cassandre ou la mécanique des ombres faisait partie des films en compétition à Music & Cinema.