Avant de devenir la phalange attitrée de l’atroce émission Prodiges, l’orchestre Divertimento, fort d’une belle carrière et d’interprétations plus que mémorables, est né d’un pari assez fou. Celui, formulé il y a plus de vingt ans par Zahia Ziouani et sa sœur jumelle Fettouma, de donner naissance à une formation pas comme les autres, ancrée en Seine-Saint-Denis, et dirigée par une jeune femme née de parents algériens.
Divertimento, film commandé à la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar, retrace l’histoire de la création de cet orchestre dès l’année de terminale que les deux musiciennes ont effectuée au lycée Jean Racine. Et l’on comprend aisément que cette success story ait intéressé le cinéma. Consciente de tenir entre ses mains un matériau rare mais également casse-gueule, Marie-Castille Mention-Schaar prend garde, et c’est tout à son honneur, de ne pas miser sur l’affect ou l’hagiographie. Écueil d’autant plus difficile à éviter que la présence des sœurs Ziouani sur le tournage fut pour le moins soutenue.
Musicale image
Plusieurs éléments biographiques sont donc évacués du script, considérablement remanié par la réalisatrice, et c’est tant mieux. Comme les grèves de 1995 et, avec elles, le père des jumelles contraint de les accompagner en voiture au lycée dès trois heures du matin ; sur ces trajets d’une école à l’autre, sur tout le pourtour d’Île-de-France, pour suivre et dispenser des cours d’alto, de piano… Divertimento prend cependant le temps de montrer l’hostilité des lycéens bien nés, des professionnels : y compris celui de Sergiu Celibidache, mentor de la jeune cheffe, incarné par Niels Arestrup peu enclin, avant de l’entendre, à former des femmes.
Mais si Divertimento se révèle particulièrement réussi, c’est dans la façon qu’il a de mettre en scène la musique, là où d’autres réalisateurs se seraient sans doute contentés d’y recourir comme à une simple illustration. Fille de musiciens et pianiste elle-même, Marie-Castille Mention-Schaar ne lésine sur aucun moyen – captation directe du son, musiciens professionnels engagés à tous les étages – pour la rendre tangible. Elle sait montrer comment la musique, avant d’être jouée, se fait d’abord intime, tâtonne au fil de répétitions, se trouve, se perd… Pour incarner ce rôle physiquement très difficile, Oulaya Amamra, pourtant dépourvue de formation musicale avant le tournage, fait merveille. À ses côtés, Lina El Arabi brille également sur une partition bien moins ingrate que celle de Philharmonia…
SUZANNE CANESSA
Divertimento, de Marie-Castille Mention-Schaar Sorti en salle le 25 janvier